Prendre de la distance, prendre du recul, prendre le large, s’éloigner, s’en aller, partir, etc… autant de mots pour traduire un départ. Comme si, la tête floue en quête d’un ailleurs, il était impossible de se rendre compte au moment présent de l’importance de certaines choses.
Ce n’est que très récemment, après plusieurs années loin de cette mer, que je me suis rendu compte à quel point elle me manquait. Son littoral, son odeur, sa vue, ses paradoxes. La Méditerranée, que j’ai si souvent longée, principalement de Sète à Marseille, en prenant pour acquis que je l’avais à portée de main, me semble maintenant irremplaçable.
Je l’ai photographiée à chacune de nos retrouvailles, consciente de sa nature et de son architecture vernaculaire. Je lui ai rendu visite à l’occasion d’évènements joyeux, j’y suis retournée pour des moments plus douloureux, qu’elle apaisait parfois. Évitant la cohue estivale, persuadée qu’elle nous appartient un peu plus avant l’arrivée des touristes qui se l’accaparent pendant plusieurs mois, j’ai profité de la saison « morte », pour apprécier à nouveau son silence et sa beauté, observer sa lumière hivernale qui taille les ombres des passants, retrouver les zones calcaires qui la bordent.
Cet essai photographique est une réflexion sur mon identité, mes origines, et les transformations de ce littoral dont je suis témoin à chacune de mes visites.
Sophie Bertrand est née au Québec de parents français. Elle saisit rapidement
l’opportunité de naviguer entre ses deux pays d’origine. En 1998, elle entame des études de photographie et travaille plusieurs années dans le sud de la France en tant qu’assistante. Cette expérience lui permet de voyager à plusieurs reprises au Maroc où elle encadre des stages itinérants. Préoccupée par l’empreinte de l’homme et du temps, elle pose sans compromis, un œil discret et instinctif sur le monde alentour. Entre vision narrative et documentaire, son travail s’articule autour de différentes thématiques comme l’architecture, les paysages délaissés par l’homme et la préservation des traditions. Elle mène également des projets plus introspectifs, à long terme, autour du thème de l’absence.
Membre du collectif Stock Photo basé à Montréal, elle collabore avec les presses européennes et québécoises et alterne travaux de commande et projets personnels.
Depuis 2014, elle est aussi rédactrice pour le journal quotidien L’Oeil de la photographie.
