La rentrée photographique asiatique s’annonce très prometteuse. Ici et là, festivals et grandes expositions ouvrent leurs portes en grande pompe. C’est le cas de l’exubérante cité-Etat de Singapour qui propose une exposition dédiée à la photographie chinoise.
Organisée dans le cadre de la quatrième édition du Singapore International Photography Festival, l’exposition Flux Realities: a Showcase of Chinese Contemporary Photography présente une soixantaine de clichés de sept photographes, dont les noms résonnent dans la scène artistique chinoise. Aux côtés d’artistes connus depuis les prémisses de l’art contemporain chinois dans les années 1980 (Wang Qingsong, Yang Yongliang, Zhang Dali), ceux de la génération suivante (Wei Bi, Liu Xiaofang, Maleonn et Wang Ningde) occupent une place tout aussi importante
Bien que leurs approches diffèrent, les sept artistes questionnent, dans leurs œuvres, la nature de la mémoire, qu’elle soit collective ou personnelle. Le passé et le présent tumultueux de la Chine — entre destructions dues aux révolutions, guerres, modernisations et bouleversements sociaux — ont engendré une création orientée vers l’exploration des souvenirs, de la trace de l’homme dans l’histoire.
Cette sorte d’archéologie de la mémoire est particulièrement présente dans A Second History, de Zhang Dali (né en 1963 à Harbin). Commencée il y a une dizaine d’années, cette série illumine sous un nouveau jour des images plus ou moins connues de Mao Zedong. Zhang semble se positionner entre l’archiviste et l’artiste : il cherche sans relâche dans les archives de Pékin, trouve des images dites officielles, puis les installe en dyptique à côté de leur version non retouchée.
La manipulation, notamment digitale, est le maître mot de Yang Yongliang et de Liu Xiaofang. Yang (né en 1980 à Shanghai) propose des photographies troublantes où se mêlent utopie et dystopie. Suivant les traces des photographes pictorialistes du début du XXe siècle, il unit tradition visuelle des shanshui (mot chinois signifiant la peinture traditionnelle de paysage) et modernité des techniques digitales. Relativement proche, la jeune Liu Xiaofang (née en 1980 à Datong) a créé une série entre rêve et réalité, dont l’esthétique associe les codes des peintures de paysage chinois et les souvenirs d’enfance.
Tout aussi ancrés dans la mémoire personnelle, Wang Ningde et Maleonn utilisent la photographie comme support d’expression intime. Some Days, de Wang (né en 1972 dans la province du Liaoning), donne à voir des images aux aspects presque surréalistes, monde chimérique peuplé de personnages à la fois réels et fictifs aux yeux clos. Maleonn quant à lui explore les frontières entre mémoire personnelle et collective : alors que la série Postman évoque ses propres ambitions d’enfant, White on White re-photographie des portraits trouvés datant des années 1950 et 1980, créant donc des liens intimes et imaginaires avec des inconnus.
L’exposition montre également les œuvres de Wang Qingsong (né en 1966 dans la province du Heilongjiang), l’un des maîtres incontestés de la photographie contemporaine chinoise. De manière générale, ses clichés mettent en scène son expérience plus ou moins douloureuse de la Chine post années 80, post réformes économiques, celle où tout va à mille à l’heure, où tout semble possible mais incertain. Gigantesques et colorées, les photographies de Wang mélangent “Gaudi Art” kitsch, tradition picturale européenne et chinoise, imagerie révolutionnaire, humour et critiques acerbes sur la société chinoise.
Flux Realities: a Showcase of Chinese Contemporary Photography offre donc un dialogue visuel fort et une scénographie soignée qui convainquent le visiteur de la cohérence des œuvres exposées.
EXPOSITION
Flux Realities: a Showcase of Chinese Contemporary Photography
Jusqu’au 2 novembre 2014
ArtScience Museum
10 Bayfront Avenue
018956 Singapore
http://www.marinabaysands.com/museum/exhibitions-and-events/art-and-science-of-photography.html