Après la publication du premier face à face mercredi dernier entre Tina Merandon et Bruno Amsellem, voici le deuxième, confrontant les séries photographiques de Johann Rousselot et de Michel Nguie. L’exposition Œil pour œil est organisée à l’occasion des cinq ans de Signatures, maison de photographes. Chaque semaine, nous vous présenterons les séries visibles à l’Hôtel de Sauroy jusqu’au 14 juin, en suivant le parcours fidèle de l’exposition au travers le dialogue de 8 regards d’auteur.
COLERES, Johann Rousselot
La multiplication d’insurrections et les mouvements de désobéissance civile m’interrogent. Je crois qu’ils sont le signe d’une prise de conscience que notre monde a été colonisé par l’esprit d’un capitalisme brutal et cynique. Ce dernier se manifestant au travers d’un autocrate, d’un marché tout-puissant ou d’un régime politique compromis. Les sociétés civiles crient de plus en plus fort leurs colères face aux pouvoirs qui dirigent ce monde.
Au-delà du succès ou de l’échec de ces mouvements, ce qui m’intéresse par-dessus tout c’est l’énergie formidable déployée à un moment donné. Cette éruption volcanique, cet optimisme et cette foi immenses en l’avenir d’un coup retrouvés. C’est beau, rare et émouvant. Je crois qu’il arrive un moment où c’est le peuple dans la rue qui tient réellement les manettes. Un instant court, mais décisif.
Parti en Tunisie en janvier 2011 lors de la révolution de Jasmin, j’ai cherché un traitement particulier pour rendre compte de cette actualité. Je réalise d’abord des portraits d’acteurs du soulèvement, et je procède ensuite à un travail de « collage numérique » à partir d’éléments symboliques recueillis sur le terrain ou sur Internet. Une manière de créer des icônes militantes à travers une nouvelle écriture documentaire. Une réponse graphique et conceptuelle que j’adapte aux spécificités de chaque lutte.
BORDERLINE, Michel Nguie
Aujourd’hui, avec la réflexion qui fait suite à l’action (en photographie, souvent j’agis et les choses prennent forme avec le temps), je crois que l’on peut diviser mon travail en trois parties : ce qui est (ce que je perçois, réalité ?), ce qui devrait être (paix, joie, ce que je crois), et ce qui ne devrait pas être (ce qui ne tourne pas rond ?). Les choses ne restent pas figées, elles se mêlent et se confondent parfois. Ce qui est peut se confondre avec ce qui devrait être, ou ce qui ne devrait pas être. Je prends des photos au gré des opportunités et des rencontres faites sur mon chemin, souvent guidé par le témoignage des sens. Cette opération de l’esprit où la conviction crée l’évidence. J’écris comme on pilote avec la tête et avec le corps, dans le but, je crois, de rendre poétiquement témoignage à (ou de) la lumière.
EXPOSITION
Œil pour œil
Regards croisés, cinq ans de Signatures
Jusqu’au 14 juin 2014
Hôtel de Sauroy
58, rue Charlot
75003 Paris
France
Entrée libre
Photographes exposés : Bernard Plossu (Intime), Bruno Amsellem (Etranger), Xavier Lambours (Sexe), Raphaël Helle (Dérèglement climatique), Johann Rousselot (Colères), Tina Merandon (Peurs), Eric Dexheimer (Mort) et Michel Nguie (Borderline)