Au Clair De Lune – Yang Yongliang Chez Magda Danysz
Jusqu’au 20 octobre prochain, la galerie Madga Danysz à Shanghai présente les derniers travaux de Yang Yongliang (né à Shanghai en 1980), le jeune prodige de la photographie digitale chinoise. L’exposition intitulée Moonlight, à ce jour la plus importante jamais consacrée à l’artiste, dévoile photographies, installation, vidéos et light boxes.
Dans cette nouvelle série, Yang Yongliang continue son archéologie urbaine à travers Taipei, Chengdu, Shanghai et autres mégalopoles asiatiques où les habitants se comptent par millions. L’artiste propose des photographies troublantes où se mêlent utopie et dystopie. Visions d’un monde effroyable et poétique à la fois, ses œuvres reflètent la grande attention qu’il porte à la rapidité des transformations urbaines de la Chine et surtout de sa ville natale dans laquelle il vit toujours : Shanghai. Cette ville, aux contradictions déroutantes et aux ruines toujours plus nombreuses, n’a de cesse de raviver autant d’émotions contradictoires que sont la fascination ou la mélancolie.
Suivant les traces des grands maîtres de la photographie picturale du début du vingtième-siècle, Yang Yongliang unit tradition visuelle des shanshui (terme chinois signifiant la peinture traditionnelle de paysage) et modernité des techniques digitales. Ses photographies sont telles des « images composites » au sens où l’entendait Lang Jingshan, puisqu’elles créent un monde imaginaire littéralement décomposé mais pourtant composé d’un assemblage de plusieurs temps, espaces, et médiums.
Mais comment ancrer une tradition dans un pays qui semble parfois faire table rase du passé ? En la réinventant et l’adaptant aux esthétiques et questionnements contemporains. Cultiver l’art traditionnel n’est pas si étranger pour ce jeune artiste qui manie avec grâce la calligraphie depuis son plus jeune âge, pratique qu’il a développé plus tard auprès du maître calligraphe Yang Yang. Cette référence au passé est évidente dans son travail, voire exaltée à travers son installation d’une lune se reflétant dans un bassin qui rappelle comment les lettrés chinois des temps anciens chantaient les louanges de la brillance de cet astre.
Yang Yongliang démolit la tradition pour mieux la réaffirmer, fuit la réalité pour mieux l’affronter, utilise les codes de la peinture traditionnelle chinoise pour mieux explorer l’art digital. C’est par le truchement de la ruine et de la déconstruction qu’il « préserve et fait prospérer la tradition chinoise » comme il aime dire.
Bien plus qu’une simple satire du mode de vie urbain contemporain ou qu’une apologie de la tradition picturale chinoise, Yang Yongliang questionne son propre héritage visuel et matériel en mariant beauté et abject, rejet et adoration, tradition et modernité. Sous les aspects pittoresques de ses paysages, se cachent une réelle anxiété face à la modernité. Est-ce un spectacle atroce ou sublime auquel nous faisons face ? La question reste ouverte pour le plus grand plaisir de l’esprit et des yeux.
Marine Cabos
Yang Yongliang / Moonlight
Du 8 septembre au 20 octobre 2012
Galerie Magda Danysz – Shanghai
188 Linqing road
Shanghai, Chine