Pendant près de deux mois, Alain Jullien rapproche les regards de Christopher Taylor (né en 1958 à Skegness, Royaume-Uni) et de Luo Yongjin (né en 1960 à Pékin, Chine) à la OFOTO Gallery de Shanghai. Commissaire pour la photographie de renom mondial qui a travaillé notamment pour le premier festival international de photographie de Lianzhou et la Biennale Internationale de Photographie du Musée d’Art de Guangdong, Alain Jullien a profité du lancement du projet Archive on Recent Past (A.R.P.) pour demander aux deux favoris de Huang Yunhe, le directeur de la galerie, de partir ensemble explorer les villages du Guizhou.
Le projet A.R.P. a pour but la création de corpus photographiques de sites du patrimoine mondial situés en Chine et dans le Pacifique. Il correspond à un accord signé il y a un an entre le College of Architecture and Urban Planning de l’université de Tongji (CAUP), l’association Kanyikan, et l’UNESCO. Ces trois organismes ainsi unis associent leurs compétences pour mener à bien leur projet : alors que le CAUP sélectionne les sites à photographier, l’association Kanyikan choisit les photographes et s’assure que leurs séries soient conservées dans les archives de l’université de Tongji et surtout montrées au public dans diverses institutions.
C’est chose faite à la OFOTO Gallery, où Christopher Taylor et Luo Yongjin tentent de rendre compte de l’âme, de l’histoire et de la culture du Guizhou, une des provinces chinoises les plus appréciées pour ses paysages naturels idylliques. Intitulée A vision with two eyes, l’exposition rassemble deux amis, deux photographes aux expériences et techniques différentes, mais aux réceptivités proches.
Luo Yongjin photographie les objets du quotidien et l’environnement de la Chine d’aujourd’hui. Formé dans les écoles d’art de Hangzhou et de Canton, il s’est tout d’abord concentré sur la figure humaine, puis son attention se tourna progressivement vers les silencieux objets ou architectures croisés au détour d’une rue. Luo Yongjin aime jouer avec les structures, tout se prête à devenir une architecture imposante souvent décomposée en plusieurs images prises à divers instants, angles ou éclairages.
Christopher Taylor quant à lui a étudié la zoologie avant de devenir un photographe autodidacte. Féru de voyage, il s’est rendu en France, Islande, Japon, Inde et surtout en Chine. Ses séries photographiques, principalement en noir et blanc, se focalisent sur les objets, l’environnement naturel et architectural, des sortes de natures mortes allant du minuscule insecte jusqu’aux vues aériennes.
Au vu de ces deux profils, il n’est pas étonnant que dans leurs séries (toutes deux nommées Archive on Recent Past pour l’occasion) l’homme soit délaissé pour faire place à l’objet. Les deux photographes offrent en effet un autre regard sur cette région qui est le plus souvent montrée à travers ses paysages somptueux de reliefs karstiques et sa population dite « minoritaire » à la culture si particulière. Christopher Taylor et Luo Yongjin dressent un tout autre portrait allant du micro au macro : du flanc d’une montagne aux bulles de savon, d’un ustensile agricole à la légèreté d’un drap suspendu, toutes ces natures mortes dévoilent un présent pourtant ancré dans un passé lointain, ainsi que la trace de l’homme dans son environnement.
Les deux photographes transforment le banal en insolite, l’infime en colossal, le drôle en solennel. Bien qu’ils tentent avant tout de capter un instant pour en tirer des expressions fugitives, atemporalité et tranquillité semblent gouverner ces photographies. L’exposition A vision with two eyes est une invitation au voyage à travers une topographie de la province du Guizhou pas comme les autres, et représente un bel exemple d’approche interculturelle de la photographie qui prouve que la nationalité d’un photographe importe peu quand il s’agit de donner à voir une vision en profondeur et sensible de la Chine.
Marine Cabos
A vision with 2 eyes
Du 15 septembre au 16 novembre 2012
OFOTO Gallery
2F, Building 13
50 Moganshan Rd.
Shanghai, Chine