Ils sont venus . Ils sont tous là, les lauréats du Prix SFR Jeunes Talents Arles 2001. Marin Hock , Françoise Beauguion, Claire Delfino , Jean Pierre Dastrugue , Aurélie Durand , Léo Delafontaine.
Ils incarnent la jeune génération d’une photographie en double prise directe avec leur époque, ses tensions sociales, ses enjeux géo-politiques sous-jacents de Gaza à l’Argentine et une pratique photographique en pleine (r)évolution .
A peine sortis des « Plis du sommeil » par Claire Delfino, nous assistons sur les cimaises de l’église Saint-Blaise à l’éveil d’une image documentaire revue et corrigée par tous ces regards qui embrassent le monde avec l’appétit de découvrir toutes ses facettes et l’ambition de nous faire partager graphiquement leur émotion .
C’est Jean Pierre – Dastugue – le plus ancien des nouveaux lauréats qui est allé chercher dans les souvenirs de son adolescence les traces de ce « réalisme magique » entre rêve et confrontation au monde, dans un face à face poétique avec lui-même. Spécialiste d’une photo intimiste qui puise ses racines fécondes dans son adolescence, Jean –Pierre Dastugue est tel un pigeon voyageur qui adore picorer dans la mémoire les instants volatiles restitués avec toute la densité d’un noir et blanc , plus proche de la suggestion que de la démonstration . Un art d’une extrême finesse pour nous restituer des bras levés tels une aubade ouverte au vécu d’un moment qu’aurait aimé Proust – avant qu’il ne disparaisse à nouveau dans l’opacité du souvenir enfoui.
Il fallait à Françoise Beauguion une conviction tranquille pour mettre justement en « Face à face » palestiniennes et israéliennes en regards croisés . Dans leurs yeux de femmes simplement et tendrement photographiées naît la complicité d’appartenir à la même terre. L’horizon, qu‘elles se projettent comme à la recherche de l’autre si proche , gomme spontanément la violence et la lassitude d’un conflit permanent. La douce couleur de leur portrait porte l’espoir d’une paix tant désirée.
Une paix intérieure que n’ont pas encore trouvée les patients de la Devinière – centre de Psycho-thérapie institutionnelle à Charleroi en Belgique dans lequel a séjourné Marin Hock sur les traces de Raymond Depardon à San Clemente . Le Lauréat du Grand Prix Arles SFR 2011 nous communique le respect de tous ces femmes et hommes sans préjugé aucun. Coloriste hors pair malgré ses 20 ans d’âge, chacune de ses images interpelle en nous « la mentalité profonde »de la perception que nous portons sur ce monde clos de la psychose. Loin de tout cliché ou caricature car la démarche de Marin emplit son cadre de tendresse avec une pointe d’humour complice .
Voire même de légèreté mais jamais sans jamais de superficialité.
Le talent de Marin Hock vaut bien le « Détour » . Car dans sa série éponyme, c’est aussi en passant par les USA qu’il démontre le sens de la couleur qui lui donne « le plaisir sans limite de la photo ».
Une piscine qui n’a plus de bleu que son pourtour est le prétexte d’une somptueuse tâche de couleur – qui sert de déchetterie accidentelle aux gravats amassés et c’est nous qui plongeons avec lui dans l’épaisseur de cette nuit américaine autour d’un motel chargé d’atmosphère à la Hitchcock.
Du haut des immeubles de New-York – magistralement cadrés en clair – obscur d’opposition, c’est la ligne médiane marquée par des passages cloutés aussi scintillants de blancheur que les toits rutilants des fourgonnettes d’en bas , qui fait de Martin Hock le géomètre d’une émotion esthétique au coin d’une « street photography » aux lignes parfaitement maitrisées.
Dans la « shinning room » d’un magasin de chaussures, l’homme à la cravate crème sur fond de chemise blanche et de mur blanchâtre est encore la tâche de couleur qui émerge sur la façade noire de la rue . Le lauréat SFR Paris Photo vit dans un perpétuel mouvement d ‘émerveillement devant la réalité du monde , « pour faire de n’importe quoi – confie-t-il une belle image ».
Leo Delafontaine s’est employé à dépasser le convenu pour enrichir le mythe de « Paris Texas » la petite ville rendue célèbre par Wim Wenders . Entre fascination et rêve réalisé, Léo maîtrise parfaitement son sens de la composition devant ses paysages et personnages tout droit sortis de son musée imaginaire « made in USA »
Au carrefour d’une formation multi –facettes entre réalisation , film documentaire , clips et photo, Aurélie Durand a emprunté en bus la route directe entre Buenos –Aires et Salta en Argentine Pour mieux nous faire voyager en transparence dans la bulle qu’elle cercle très subtilement avec à-propos et diversité sur un mur ou un personnage . C’est en permanence un effet de zoom délibérément manifeste pour pointer un talent de photographe très prometteur « on the road d’une photographie nouvelle.
La poésie des images de Claire Delfino a laissé place à un réveil d’une grande acuité devant tous ces tableaux vivants d’une création photographique en marche. Succédant à Isabel Munoz, Patrick Tournebeuf , « Parrain SFR Jeunes Talents photo 2011 » clôtûre l’exposition sur les mûrs de l’église Saint –Blaise par quelques unes de ses œuvres grand format du coulisses du théâtre du Château de Versailles à la restauration du Grand Palais. Un travail « Monumental *», à l’image de celui effectué par « SFR jeunes talents » depuis 2006 . Le partenariat de la société de téléphonie mobile avec les Rencontres est aussi incontournable que le succès du dialogue permanent entretenu par concours et participations annuelles ‘( Polka , le Bal , Fetart , ImageSingulières , Paris Photo ..) avec des milliers de candidats aux cimaises d’Arles. Lucia Herrero, François Regis Durand, Marc Montméat, primés en 2010 le disaient hier encore aux nouveaux lauréats 2011 : « Sans SFR Jeunes Talents nous ne serions jamais là où nous sommes aujourd’hui , sur la voie d’une vraie reconnaissance avec plein de projets à la clé ». Un constat qui est une caution pour l’avenir et une vraie antidote à la crise que traverse la photographie actuelle.
Alain Mingam
( Commissaire d’exposition , Consultant SFR Jeunes Talents )
• SHOT magazine SFR N° 08
• « MONUMENTAL » de Patrick Tournebeuf : Co-édition « La Librairie de la Galerie et la MEP ».