Tout dans ce livre est étonnant. Son titre : Country Girls, il est le fruit de la collaboration de la photographe Anna Fox et la musicienne Alison Goldfrapp. Dans sa préface Peter Culley écrit:
Les sites d’horreur, qu’il s’agisse de bâtiments, de villes ou de paysages, perpétuent leur passé difficile. Vestiges mnémotechniques (ruines et tumulus), récits de bouche à oreille, visites, livres, peintures et films contribuent à la fabrication d’un mythe. Et tandis que des faits terrifiants deviennent progressivement du folklore plus inoffensif, peut-être qu’un sinistre courant sous-jacent reste présent sans qu’on le reconnaisse vraiment.
Pour Anna Fox et Alison Goldfrapp, qui ont grandi dans et autour de la ville d’Alton dans les années 1970, un froid persistant pesait sur Flood Meadows, un coin bucolique du Hampshire rural. L’héritage de l’horrible meurtre et démembrement en 1867 de Fanny Adams, huit ans, dont les parties du corps ont été progressivement retrouvées éparpillées dans les prairies alentours, pouvait être ressenti plus de cent ans plus tard, comme une menace actuelle de violence, dans les bagarres d’adolescents et la misogynie qui les entouraient.
Nous sentons une configuration où une maison pittoresque cache un ton d’agressivité beaucoup plus sombre. En grandissant dans la ville, il était impossible de ne pas connaître l’histoire de Fanny Adams – un conte de fées des frères Grimm entièrement basé sur la réalité.
La chambre d’enfance d’Alison donnait sur les prairies pastorales et elle sortait au fond du jardin, à travers des haies et sous un grand if, pour y jouer.
Anna et Alison se sont rencontrées à Alton et dans les environs au début des années 1980, traînant à Chawton House, où Anna vivait. À cette époque, le vaste manoir élisabéthain – grinçant d’associations Jane Austen – était devenu une sorte de commune payante sans espaces privés définis, lieu d’activité créative et de dialogue pour les jeunes du quartier. C’est ici au début des années 1980 qu’Anna, alors à l’école d’art, a photographié pour la première fois Alison.
Bien que n’ayant jamais été conçue comme une référence littérale, en regardant en arrière, Anna et Alison ont été clairement affectées par l’écho menaçant de Fanny Adams dans leurs images cliniques, parfois déshumanisées, de jambes recadrées, de cheveux et autres traits corporels ambigus, sans visage ni autres signes évidents de vie. Alison se souvient : « Les collants avaient un éclat, je voulais que les jambes soient brillantes, un peu hyperréalistes. Je voulais que tout le corps soit comme une poupée cassée ou un mannequin de magasin. Nu, lisse et artificiel
Le sentiment accablant que la vie dans ces ruelles verdoyantes était anachronique et consciemment, perpétuée par une communauté accrochée à un passé qui n’a peut-être jamais vraiment existé, est exploré dans les premiers portraits d’Alison habillée de manière irrévérencieuse dans les vêtements de sa mère des années 1950 et 1960. À partir de ce début conventionnel , elles sont passées à l’image d’Alison jetant ses vêtements, errant dans les bois, corps nu, créant des danses tourbillonnantes pour éloigner les vaches dangereuses, et, enfin, à la série de poses imitant la mort dans les jacinthes des bois, le lit des camionnettes, les champs et les rivières.
Anna Fox dit: “C’était une sorte d’exorcisme – j’avais l’impression que nous revenions à la campagne. Les années 1970 et 1980 n’ont pas été belles pour les jeunes femmes coincées dans des villages ou des hameaux isolés.
Pas d’internet et peu de transports en commun signifiaient que vous voyiez rarement quelqu’un avec qui échanger. Et une fois que vous étiez assez âgées pour sortir dans la petite ville, vous avez ressenti le poids de la violence masculine du vendredi et du samedi soir chaque week-end.” – Pierre Culley
Country Girls
Photographie par Anna Fox Performance par Alison Goldfrapp
Texte d’Anna Fox et Alison Goldfrapp
Here Press
Setanta Books
254 × 256 mm
Quatre livrets dans un porte-cartes
Total de 52 pages
38 photographies
