Il est un des derniers dinosaures vivants de la photographie française.
Notre collaborateur Thierry Maindrault lui rend un hommage en 3 volets !
JJN
Je connais Serge Assier depuis quelques années, nos chemins se croisent régulièrement pendant les Rencontres Internationales de la Photographie qui se tiennent chaque été, à Arles. Depuis presque quarante ans, ce photographe exceptionnel, a présenté chaque année, de façon autonome et indépendante, ses divers travaux, toujours ses frais. Sa grandeur d’âme l’a amené à associer dans ses expositions, très souvent, les œuvres intéressantes de quelques confrères d’autres styles et démarches.
Serge est l’un des derniers très grands photographes de l’instant. Cette génération, avec ce savoir-faire si particulier et exceptionnel, née avec le vingtième siècle, s’est éteinte avec la fin du même siècle.
Serge Assier, est un nom inconnu de tous à l’exception des vrais professionnels de la photographie et des milieux liés au monde de la communication (artistes, presse, policiers, magistrats et créateurs). Pourtant, tout un chacun a vu, ou s’est attardé sur une de ses photographies qui ont fait le tour du monde, au moins une fois dans sa vie. Il a toujours été là où il le fallait, exactement quand il le fallait (on ne raisonne pas en jours, mais en dixième de secondes). Pour information, nous n’étions pas encore dans notre univers instantané lorsque le clic sur un appareil robot très automatisé envoie immédiatement la prise de vue à l’imprimerie d’un journal. Non, c’était le temps, de la pellicule à charger, du réglage manuel de l’appareil sans posemètre (souvent aussi avec flash), du développement du film, de l’agrandissement-tirage de l’image, de la course au bélinographe, pour être le premier témoignage arrivé à la photogravure. Dans cette course effrénée, quoique vitale, Serge était presque toujours le gagnant. L’adrénaline du terrain s’imposait, au quotidien, pour ce curieux imprévisible de tous les instants.
Pendant vingt ans, le jeune passionné de photographies, devient l’opérateur incontournable d’images du Festival de Cannes. Son culot, sa verve, sa personnalité vont en faire le pivot de communication du Festival. Toutes les nuits, ses images s’envolaient tous azimuts pour faire la une des journaux du matin.
Sa maitrise, aussi unique qu’indispensable, de la technique photographique lui a permis de mettre en avant son imagination délirante pour aller chercher et pour obtenir des images uniques. Souvent, avec la complicité, à postériori, de ses prestigieux modèles : grandes stars internationales du Monde du Cinéma.
Comment, ce jeune photographe a-t-il pu obtenir, lors d’un « bras de fer » homérique, l’exclusivité du portrait d’Isabelle Adjani, sur le toit du Palais, avec Le Suquet pour décor ? Comment, l’ingénieux personnage a-t-il fait embarquer Jerry Lewis, à son insu, par la police française ? Ses faits d’arme cannois et inédits restent nombreux.
Les facéties et sa détermination lui ont permis, en quelques années, de devenir l’ami des plus grands acteurs et des réalisateurs du septième art.
Portraitiste en situation, son volet reporter reste toujours susjacent, avec des prises de vues inopinées, mais consenties, dans l’intimité de ses sujets plus habitués à des images publiques travaillées.
À partir de 1980, le monde du Festival se transforme, se réglemente, avec l’apparition des intermédiaires (agents artistiques, directeurs d’images, attachés de presse), la liberté d’expression et la créativité photographique deviennent oppressés par le publiquement correct et les astreintes financières. Serge Assier, le « chouchou » de nombreuses stars, refuse de continuer à faire la route de Marseille à Cannes. Les prémices d’un asservissement de nos ‘images photographiques et de l’information pointaient le bout du nez.
PS. Il est impensable que Serge, unanimement reconnu par ses pairs photographes et les grands auteurs créatifs, du siècle dernier, soit injustement méprisé par des Rencontres dites officielles, alors qu’il prépare sa quarantième (et parait-elle dernière) exposition pour 2025.
Thierry Maindrault