Avec ce reportage, Sebastián Castañeda nous entraine dans un voyage spirituel à Ayabaca une ville nichée au cœur des Andes occidentales péruviennes. Ce nom d’origine quechua signifie “sanctuaire” et annonce une ville des changements et transformations de la vie ; une ville des morts mais aussi des immortels ! “Aya” désigne la couleur des crépuscules et “Huaca” est un lieu empreint de respect pour le sacré.
Ayabaca accueille chaque année des centaines de pèlerins venus de tout le Pérou et de pays voisins, marchant pendant trois jours pour faire environ 80 km en suivant la statue du Señor Cautivo portée jusqu’à son église. Immergé dans une ambiance de bougies, d’encens, de fleurs ou encore de moquettes posées à même la rue, Ayabaca respire la dévotion religieuse, le pardon et la paix intérieure, mais aussi l’espérance en un miracle !
Le Christ d’Ayabaca a plutôt un physique de métis, avec son 1,80 m, sa peau foncée, sa barbe et ses cheveux longs très noirs, sa tunique violette brodée de fils d’or, ses mains croisées et attachées. La légende dit qu’il a été sculpté par de véritables anges. On lui attribue de nombreux miracles : la guérison d’un cancer, la fin d’une période de chômage ou encore celle d’une toxicomanie.
Sebastián Castañeda est là, au milieu de la procession, à photographier ambiances et pèlerins durant ce long trajet, alors qu’il leur faut affronter le soleil intense de la montagne le jour et le froid des nuits andines. Les fidèles s’arrêtent au bord des routes pour quelques heures de sommeil, avant de repartir, gonflés d’énergie, au petit matin.
Cette série de 12 photographies est narrative : les images constituent une histoire, celle du dévouement religieux de ces pèlerins épuisés. La dépense physique est très importante : il y a ceux qui portent un lourd crucifix de bois sur leurs épaules, ceux qui font le trajet à genoux ou en rampant, d’autres enfin qui récitent à tue-tête des Ave Maria comme pour mieux se convaincre de leur foi. Les sentiments de souffrance et de sacrifice font partie de l’idéologie de toute cette multitude de personnes à la recherche d’une pénitence pour remercier Dieu des miracles reçus ou attendus.
Le noir et blanc a fait l’objet d’un choix réfléchi : « Je pense que les couleurs distraient, égarent. Avec le noir et blanc, l’attention se fixe sur l’image », nous dit Sebastián. Aussi est-il à l’origine d’images fort contrastées, aux contours et aux formes purs et précis, accentuant probablement l’opposition entre le monde terrestre et le monde céleste.
Les visages des pèlerins immortalisés sur pellicule appartiennent plutôt à des jeunes croyants, remplis de compassion. Ils ont tous leur regard pacifique un peu décomposé, tout en ayant la certitude d’un changement de leur destin.
« J’ai été éduqué dans la religion catholique, comme la plupart des Péruviens. Mais cela fait longtemps que je ne suis plus pratiquant ! Je suis profondément admiratif de ces gens et de leur foi. Pour moi, toutes les religions se valent, je ne suis là que pour documenter certains rituels religieux. »
En février 2014, Sebastián a été distingué lauréat POYI Award for Excellence de l’Université de journalisme du Missouri, aux Etats-Unis, dans la catégorie Feature picture story – Newspaper, pour son travail sur Ayabaca. Il y a quelques mois, son reportage sur les enfants irakiens réfugiés a été présenté au festival Visa pour l’Image à Perpignan.
L’intention actuelle de Sebastián est d’éditer un ouvrage autour des rituels religieux importants d’Amérique Latine, avec notamment des photos sur le pèlerinage de San Lazaro à Cuba, ou encore sur les pratiques du vaudou haïtien.
Je suis persuadée que Sébastian, photographe talentueux va nous surprendre positivement avec ses nouveaux projets photographiques.
Photographe : Sebastián Castañeda
Projet : Refuge of the soul
www.sebastiancastaneda.com