Dans le cadre de la Biennale de la Photographie de Mulhouse, la commissaire d’exposition Sonia Voss a imaginé un dialogue poétique entre deux artistes explorant chacun à leur manière des questions d’écologie : le lituanien Andrej Polukord et la française Léa Habourdin se rencontrent au sein de la Chapelle Saint-Jean.
Si elle se tient dans un édifice historique du centre de Mulhouse, l’exposition « Monuments et immortelles » se place sous le signe de Nida. Cette station balnéaire lituanienne accueille chaque année un symposium de photographie où artistes, historiens, auteurs, conservateurs et commissaires se rencontrent autour d’expositions et de conférences. C’est à Nida que Léa Habourdin a imaginé l’œuvre exposée ici, et c’est là même que Sonia Voss, invitée à présenter ses recherches autour de la photographie est-allemande, a découvert l’œuvre d’Andrej Polukord.
Pour dénoncer la déforestation menée par des marques d’ameublement dans les forêts d’Europe de l’Est et du Nord, le photographe lituanien grimpe au sommet d’arbres coupés, parfois a des hauteurs impressionnantes. Il en tire la série « Wood Statues », des portraits à « l’intersection de la photographie, de la performance et du ready made » dans lesquels on l’observe, debout, raide comme une statue, au sommet de ces troncs sacrifiés. S’il apparaît comme une prolongation de l’arbre, ces autoportraits entre héroïsme et ridicule sont surtout un moyen de dénoncer avec humour la manière dont l’Homme détruit la nature au profit de son propre confort.
Ces photographiques dialoguent avec les poses hiératiques des statues de pierre des stèles funéraires de la chapelle Saint-Jean, dans un écho cocasse à la perception toute-solennelle de l’Homme au cours de l’Histoire. Elles font face à un grand damier en tissu de Léa Habourdin, dont les carrés répondent eux-mêmes avec poésie à la composition des fresques de la chapelle.
La photographe française entretient une relation privilégiée avec la Lituanie, qu’elle a visitée à plusieurs reprises. Invitée en résidence à Nida au printemps 2024, elle s’est inspirée des recherches menées par des chanoines-botanistes du XVIIIe siècle, les frères Desbiey, qui travaillaient sur la fixation des dunes par la végétation. Planter des végétaux permettait de ralentir le déplacement des dunes soumises à l’action du vent ou de la mer.
Léa Habourdin a recréé le paysage des dunes de l’isthme de Courlande en réunissant plusieurs photographies qu’elle a imprimées sur du lin de Lituanie grâce à des teintures réalisées à partir des pigments naturels de plantes locales : immortelles, fleurs de garance, artichaut et cosmos. Celle qui a beaucoup travaillé sur l’impermanence d’un tirage dont les pigments naturels s’estompaient peu à peu explore un procédé contraire : ici, selon ses propres mots, « l’image est presque bue par le lin, elle est dans la matière. » Ce travail d’une grand précision, issu d’une recherche méticuleuse, est transposé en une installation spectaculaire et poétique.
Plus d’informations :