La galerie de photographies modernes Saint-Honoré Art Consulting montre le Paris vagabond de Christer Strömholm.
Le photographe suédois (1918 – 2002) a arpenté les ateliers d’artistes, les rives de la Seine et les galeries marchandes, forgeant une représentation de la vie artistique comme de l’ordinaire parisien des années 1940 aux années 1960.
Christer Strömholm voulait être peintre. La fin de la Seconde Guerre mondiale le conduit à l’Académie des Beaux-Arts où il délaisse les pinceaux pour apprivoiser les grands et moyens formats photographiques. Si ses premières photographies montrent son intérêt pour la photographie abstraite, il bascule vers la figure humaine et commence à arpenter Paris, à y figer sa vie, sa forme de lenteur comme ses tumultes nocturnes.
Proche de Pontus Hultén, fondateur du Moderna Museet et futur premier directeur du Musée national d’art moderne dans son nouvel écrin du Centre Pompidou, il fréquente à ses côtés une scène artistique hétéroclite, d’Alberto Giacometti à Robert Filliou. Si sa carrière de peintre ne prend pas, il réalise pour des journaux et des compagnies de nombreux portraits de commandes. Sous son regard, Le Corbusier, François Mauriac ou Fernand Léger se parent d’une forme de gravité, sortes d’incarnations appuyées de l’artiste aux intériorités voilées. Ses portraits révèlent avant toute chose une forme d’unité, d’harmonie sobre, un sens de la composition où la figure humaine se poste dans un environnement caractérisant l’être. Chez lui, la figure n’est pas tout
Et s’il peut être hasardeux de déchiffrer un visage, une pose dans l’art du portrait, il est aisé de voir combien Christer Strömholm n’est pas uniquement un simple témoin de cette scène parisienne, mais sa mémoire enjouée, pont entre des figures françaises et des Suédois attachés à Paris, à l’image de la joaillière Vivianna Torun Bülow-Hübe ou du sculpteur Bengt Lindström.
Des mots de Tintin Törncrantz, dont il faut lire le portrait extrêmement fouillé et habile publié en nos pages, « Paris était l’endroit » et Strömholm était à son centre comme.à ses périphéries. Paris n’est pas qu’un long défilé de figures notables, d’avant-gardes affirmées, ni moins une galerie de portraits. C’est des mots de son fils Joakim Strömholm « comme un grand amour auquel il revenait tout le temps ».
Son œuvre demeure aujourd’hui principalement retenue pour son exploration de la nuit parisienne, de ses travestis et transsexuelles peuplant les fêtes foraines et bas-fonds de la place Blanche, comme de ses explorations de cimetières, compositions proches du surréalisme jouant avec la mort, la gravité, le solennel comme l’interdit.
Il demeure toutefois une vision de Paris moins interdite, plus légère et comme enjouée de cette ville. Il y a chez lui des visions enchantées de la ville, à l’image de ce jeune garçon au pied d’une estrade, fasciné par la performance ou les dessous des jupons d’une chanteuse. Le sens de la lumière et son cadrage révèlent toute l’absorption de l’enfant, ses pensées rêveuses, sa découverte peut-être. Il y a aussi ce recul pris devant le parterre de sociabilités du Café des Flore, les chaises posées comme repues des conservations. La patience amusée d’une femme assise au cul d’un camion, scène déroutante et qui constitue une forme de vocabulaire du photographe, comme un extraordinaire ordinaire.
La sélection opérée par Pauline Bréton s’est défaite des noirceurs du photographe pour privilégier en quelques tirages une vision plus fantasque et enjouée de Paris. Elle dit toute la vie de ce photographe suédois qui fut plusieurs décennies l’œil d’un Paris amusé comme silencieux, trente années épousées d’une curiosité pour ses beautés fugaces et crasses.
Plus d’informations
Christer Strömholm – Le Regard d’un Suédois à Paris
Saint-Honoré Art Consulting
346 rue Saint-Honoré 75001 Paris
Du 6 au 17 novembre 2023
Entrée libre de 10h à 18h en semaine et sur rendez-vous le samedi.
01 44 77 98 90
www.paulinebreton.com
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