J’étais une jeune photographe et je vivais à Boston quand j’ai pris ces photographies, de 1979 à 1986. À l’ère du pré-numérique, les familles – et surtout les enfants et les adolescents – trainaient autour de chez eux, dans leurs quartiers. Au fil de l’ennui né des chaudes journées d’été, les rues devenaient une sorte de scène, un théâtre, et c’était le cadre idéal pour photographier les gens en extérieur. Les après-midi de ma propre enfance, souvent passés dans le sous-sol de mes voisins à créer des spectacles avec leurs quatre gamins, ont très certainement contribué à façonner ma vision des jeux d’enfants, que je perçois comme un genre de rite ou de représentation. Nos chiens étaient notre seul public, ce qui ne nous décourageait nullement.
Au cours des sept années passées à capturer cette série, j’ai appris à connaître la myriade de quartiers ouvriers et de communautés ethniques de Boston. Leurs caractéristiques m’ont fascinée à tel point que je ne pouvais plus m’en passer – les petits immeubles typiques à deux étages, les vérandas, les terrains vagues, les fils à linge et les souches d’arbre, tout cela formait des décors frappants pour les portraits complexes que je ne pouvais m’empêcher de composer. Pendant les journées les plus caniculaires, je partais pour les petites villes balnéaires et tous les ans, je prenais la route : un voyage pour sillonner la Pennsylvanie rurale en passant par l’Etat de New York et la ville délabrée de Newburgh, un autre dans les régions minières de la Virginie-Occidentale et un autre encore au sein des villages mormons, dans l’Utah et l’Idaho. Pendant les longs hivers de Boston, je filais vers le sud pour une semaine ou deux, vers les plantations d’orangers dans les terres de Floride ou après le Panhandle, vers La Nouvelle-Orléans, en territoire Cajun. À l’époque, il n’y avait pas de GPS et j’étais pressée de me perdre, pour découvrir l’inattendu. Projetée par la photographie en terrain inconnu, j’ai eu le privilège de rencontrer un formidable éventail de personnes remarquables, et je leur suis reconnaissante. Pleines de bonne volonté, elles m’ont fait confiance et m’ont aidé, de façon souvent intuitive, sans dire un mot, à créer quelque chose de vivant et d’authentique.
Sage Sohier
Sage Sohier, Americans seen
Du 15 avril au 31 mai 2017
Joseph Bellows Gallery
7661 Girard Ave
La Jolla, CA 92037
USA