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Sacha Goldberger : Oser sortir du cadre !

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Cette journée consacrée à Sacha Goldberger est née autour d’un verre avec Séverine Morel une fin d’après-midi de juin dernier.
Sacha nous a montré un aperçu de son travail récent et nous avons eu envie d’en connaître davantage.
C’est la voie que nous voulons privilégier dès cette rentrée : montrer en profondeur l’oeuvre d’un photographe.
Merci à Carole Schmitz qui a organisé cette édition et est l’auteure de tous les textes.
Jean-Jacques Naudet

 

Sacha Goldberger est un artiste renommé pour ses projets photographiques créatifs et souvent humoristiques. Il aime mélanger culture pop, références historiques et éléments fantastiques. Il a acquis une reconnaissance internationale grâce à son travail unique et imaginatif, et caractérisé par une attention méticuleuse aux détails, une esthétique vive et un fort élément narratif.

Au-delà de son approche créative, ce qui lui tient particulièrement à cœur, c’est le lien qu’il tisse avec ses clients comme avec les galeristes et les collectionneurs avec lesquels il collabore. Pour lui, ces relations sont essentielles et se traduisent par un engagement profond dans la réalisation de grandes expositions et œuvres sur mesure.

Il se consacre ainsi à des sujets inédits qu’il revisite avec une perspective contemporaine. Ses œuvres ne se contentent pas de fasciner par leur esthétique ; elles abordent aussi des thématiques actuelles et universelles comme le savoir-faire artisanal, le féminisme, la puissance des récits et des imaginaires, ainsi que notre relation avec la nature et notre animalité. À travers ses séries, Sacha Goldberger ne crée pas seulement des images, il raconte des histoires qui résonnent avec les enjeux de notre temps.

 

Vous vous êtes mis à la photographie sur le tard, qu’est ce qui a déclenché ce virage ?

Sacha Goldberger : J’ai longtemps travaillé dans la pub et dirigé de nombreux photographes. A l’époque déjà, j’avais beaucoup d’idées que je leur faisais réaliser. En revanche, la première fois que je suis entré dans la peau du photographe ce fut pour réaliser un livre d’amour pour une fille qui m’était chère à ce moment-là. Je l’avais intitulé : « Le petit livre de je t’aime ». Ce fut un vrai succès puisqu’il s’est vendu à plus de 130.000 exemplaires en différentes langues dans différents pays. C’est, je pense ce qui a déclenché mon envie de devenir photographe et m’a amené dans un premier temps à réaliser d’autres livres et surtout à acheter du matériel pro dont un Rolleiflex et un Hasselblad. Après quoi, je me suis inscrit aux Gobelins pendant un an pour apprendre tout ce que je ne savais pas faire.

 

Quels ont été les photographes dont le travail pouvait vous plaire ?

S.G. : Ma culture photographique au départ me venait de la pub comme vous l’aurez compris, qui recèle beaucoup de talents. On ne soupçonne pas le nombre d’artistes qui collaborent avec les marques ! Mais il est évident que des artistes tels Paolo Roversi ou Richard Avedon pour ne citer qu’eux, sont des photographes qui bien que classiques d’une certaine manière, sont surtout très inspirants.

 

On ne peut pas parler de votre travail sans évoquer la série que vous avez réalisé au fil des années avec votre grand-mère, Mamika…

S.G. : La genèse de la série avec ma grand-mère a démarré au moment je me suis lancé dans la photographie, à cette même période, elle a cessé de travailler, de fait, elle était disponible. Cela m’a permis de faire mes armes, en essayant avec elle toutes sortes de choses, en se racontant des histoires drôles, en créant des personnages et à travers des mises en scène faisant référence à la pop-culture, cela m’a permis de tester, de comprendre, de créer mon univers et de trouver mon écriture. Elle m’a ainsi donné l’opportunité de m’améliorer. Nous avons fait plus de 5.000 photos ensemble sur plusieurs années, et passé des moments incroyables. Ces images ont été exposées et publiées à de nombreuses reprises. Ce fut pour moi une manière différente de parler de la vieillesse, mais aussi de la maladie, car au fil des années ma grand-mère a été touchée par la maladie d’Alzheimer. C’était une femme incroyable, à l’esprit si libre et créatif, qui a été ma plus grande histoire d’amour avant ma femme Lina.

 

Vos séries de photos ressemblent presque toujours à des super productions, ce qui est assez antinomique avec la période que nous vivons, non ?

S.G. : J’ai toujours travaillé de cette manière, c’est ce que m’ont appris mes années dans la publicité. Je n’ai fait qu’appliquer à mon travail personnel ces méthodes. Comme tout est très signifiant dans mon travail, mon équipe est la plupart du temps composée d’un coiffeur et d’un maquilleur, d’un styliste et si nécessaire d’un styliste déco. Je fais également travailler beaucoup d’artisans pour réaliser des décors audacieux et objets « historiques, futuristes ou contemporains », ce qui souvent pour eux relève du challenge. Le casting tient aussi une place très importante, les personnages sont choisis avec soin, car ils doivent incarner une époque, une esthétique. Et enfin mon retoucheur, avec qui je finalise mes images. En résumé, j’essaie de produire un travail de qualité avec des gens de qualité.

 

D’où vous vient ce goût pour les décors ?

S.G. : Ce qui, avant tout, compte pour moi, c’est l’histoire que j’ai à raconter. Alors si cette histoire nécessite des décors, nous réalisons ces décors. J’ai grandi dans ces univers, ma mère était marchande d’art déco, cela m’a forcément enrichi et m’a donné le goût des belles choses. En général les décors me permettent également de construire mes histoires.

 

Votre travail se joue souvent des codes. Auriez-vous un petit côté provoc ?

S.G. : J’aime en effet les petits pas de côté. Ce qui m’intéresse, c’est donner à réfléchir par rapport à des sujets sérieux ou graves, mais de manière légère. Mon travail permet d’avoir plusieurs degrés de compréhension sur chaque image. Le premier peut être juste esthétique et puis en creusant un peu, on découvre quelque chose de plus profond.

 

Globalement, qu’est-ce qui vous inspire ?

S.G. : Le cinéma et la peinture m’inspirent énormément. Mais le mécanisme de la créativité est très obscur. Il m’arrive de démarrer sur une idée et de finir sur quelque chose de très différent.

 

Nombreuses de vos séries sont réalisées en studio, est-ce plus confortable pour vous ?

S.G. : C’est souvent le sujet qui décide si je travaille en studio ou en extérieur. Mais, en effet, tout ce qui touche au portrait se fait souvent en studio, c’est plus confortable.

 

Il y a néanmoins deux séries, très différentes en termes de traitement, qui se détachent des autres, je fais allusion à « 770 Lubavitchs of Brooklyn » et « Les Invisibles de l’Élysées » …

S.G. : C’est juste. J’aime de temps aller là où l’on ne m’attend pas. J’ai réalisé la série sur les Lubavitchs, –qui même si elle ressemble à du reportage est totalement mise en scène-, parce que je suis juif et qu’à ce moment-là l’antisémitisme était déjà très présent, j’ai donc eu envie de montrer autre chose, notamment que le judaïsme, ce n’était pas seulement « La vérité si je mens », mais également une religion pleine de subtilités, d’humour et de décalages. Chaque image raconte une histoire et questionne. En revanche, « Les Invisibles de l’Élysées », ce fut un autre type d’aventure. C’était une commande en quelque sorte, mais également une expérience très riche, qui m’a amené à faire des portraits sans artifice, sans mise en scène particulière.

 

Quelle a été la rencontre qui a le plus marqué votre parcours ?

S.G. : Il y en a deux : Pierre Richard et Mathieu Chedid, j’ai beaucoup travaillé avec les deux sur des projets très différents. J’ai un rapport particulier avec ces deux hommes. Travailler avec Pierre Richard c’est rentrer dans le cinéma, être dans l’absurde, mais c’est également une richesse, car il m’a tellement apporté, il est très inspirant. Quant à Mathieu, son univers est plus poétique et j’aime énormément son exigence de qualité.

 

Quel regard portez-vous sur la photographie d’aujourd’hui, et plus généralement sur l’art ?

S.G. : L’art contemporain a beaucoup évolué au cours des dernières années, et il est vrai que l’on peut voir des choses magnifiques. Néanmoins, je regrette que l’on mette trop peu en avant des projets narratifs. Personnellement j’aime l’esthétisme, c’est ce qui me touche, hélas, il me semble que c’est moins à la mode par les temps qui courent. Puis, ne l’oublions pas, il y a l’intervention de l’intelligence artificielle qui d’une certaine manière est une bonne chose, mais avec laquelle j’ai moins d’affinités car il me semble que la photographie c’est avant tout une histoire de rapports humains, et une manière de prendre son temps.

 

Quel est selon vous le fil rouge entre toutes vos séries ?

S.G. : C’est l’humain ! Et si l’humain est primordial, le petit pas de côté a lui aussi son importance., cette autre façon de percevoir les choses, le petit truc que l’on ne perçoit pas tout de suite mais qui nous emmène plus loin, dans une histoire, dans l’émotion, dans une vie imaginaire. Je n’aime pas trop les limites et les frontières ni dans l’espace ni dans ma tête !

 

Quelle transformation les réseaux sociaux ont-ils apporté à notre approche et notre regard sur la photographie ?

S.G. : Je dirais que le côté positif des réseaux sociaux est cette diffusion et cette visibilité qu’ils apportent et que l’on n’avait pas avant. Les réseaux nous permettent de présenter nos histoires nos mondes et leurs évolutions de manière très lisible et accessible. Ils facilitent les rencontres avec le public. Mais il y a un revers à cette médaille car les réseaux sociaux ne permettront jamais de regarder une œuvre avec le même plaisir et la même jouissance que lorsque l’on regarde une image tirée sur papier. Le tirage reste pour moi le meilleur support, il nous permet de nous projeter, de plonger dans l’œuvre, de ressentir des émotions. Ce qui m’intéresse c’est l’impression que je laisse.

 

Si vous deviez immortaliser le moment présent quel genre de photo prendriez-vous ?

S.G. : Je ferais sans doute une image qui nous permettrait de nous évader, et de raconter une histoire en m’éloignant le plus possible de la réalité. Les jeux Olympiques ont d’ailleurs été formidables pour cela. Pendant deux semaines, nous avons vécu des choses incroyables.

 

Quels sont les projets à venir qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

S.G. : Tout d’abord un film que j’ai écrit, que j’aimerais réaliser et dont le personnage principal pourrait être ma grand-mère, il traite de la vie, de la maladie, mais surtout de la force de l’imaginaire et de l’amour. Il montre que l’on peut écrire sa vie et la vivre avec intensité et fantaisie. J’ai également écrit des contes pour enfants que j’aimerais faire éditer. Voilà les deux projets qui me tiennent particulièrement à cœur en ce moment.

 

Est-ce une nouvelle manière de vous challenger ?

S.G. : Je pense que depuis toujours mon moteur a été de raconter des histoires, quelques soit la manière de les raconter. Bien entendu la photographie reste mon médium principal, mais m’essayer à autre chose me stimule beaucoup, pourquoi m’en priverais-je ? Je vais peut-être me découvrir un grand talent de réalisateur ! Je suis loin d’avoir fini de m’exprimer et de raconter des histoires.

 

Quel est parmi vos séries réalisées à ce jour, votre top 3 ?

S.G. : Dans l’ordre « Louis CXIV », « Bad Ass Ginger » et bien entendu « 770 Lubavitch of brooklyn ».  J’ai une tendresse toute particulière pour cette série noir et blanc pleine de poésie. J’ai photographié cette série à Brooklyn pendant deux mois. J’y ai fait de très belles rencontres. C’est un peu comme si je rendais hommage à l’esprit et a l’humour de ma grand-mère. Chaque image explique quelque chose de la richesse du judaisme. On a besoin de cela en ce moment.

Interview par Carole Schmitz

 

Sacha Goldberger lance une série de Workshop sur des themes différents. 
Le premier « Mise en scène et créativité » en collaboration avec La Leika Akademie se déroule a coté de Paris du 4 au 6 Octobre.
Contact: [email protected]

Website:  sachagoldberger.com
Instagram: sachagoldberger

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