Sabine Weiss, née en 1924 à Saint-Gingolph, en Suisse, a toujours eu une indépendance féroce et un besoin de travailler seule. À dix-huit ans, alors que la photographie n’était pas une profession commune, surtout pour une femme, elle est partie à Genève à vélo. Dans la capitale, elle devient apprentie photographe à l’atelier de Frédéric Boissonnas jusqu’en 1945, et peu après ouvre son propre studio. Mais une fois de plus l’envie de voyager la prend, et après la guerre, Weiss s’installe à Paris pour assister Willy Maywald, le célèbre photographe de mode allemand. C’est à Paris qu’elle rencontre son futur mari, le peintre américain Hugh Weiss, et commence à photographier régulièrement la vie quotidienne de la classe ouvrière parisienne. Durant ses premières années à Paris, elle travaille surtout en indépendante, mais en 1952 elle est embauchée par Vogue comme reporter photo et photographe de mode. C’est aussi le moment où Robert Doisneau découvre sa photographie et lui demande de se joindre à l’agence photo humaniste Rapho, ce qui lui donne l’occasion de travailler et de voyager pour de nombreuses autres publications telles que Time, Life, Newsweek et Paris-Match.
Jusqu’à ce jour, une grande partie du travail de Weiss est encore inconnue du grand public, pour des raisons à la fois personnelles – elle a expliqué qu’elle avait peu montré son travail noir et blanc depuis les années cinquante : « C’était mon jardin secret, ma réserve, ma mémoire personnelle et intime ». Et pour des raisons indépendantes de sa volonté – sa première et dernière exposition personnelle aux États-Unis a eu lieu à l’Art Institute de Chicago, à une époque où l’école humaniste française de photographie était populaire, en 1954 ! Ce n’est que récemment qu’elle a été “redécouverte” en Europe grâce à une rétrospective de 2016 organisée par le Musée du Jeu de Paume à Tours. L’exposition a révélé la diversité de la production de Weiss en tant qu’artiste et la définit comme la dernière représentante de l’Ecole humaniste française de photographie, aux côtés de photographes bien connus tels que Robert Doisneau, Izis Bidermanas et Willy Ronis.
Sabine, maintenant âgée de quatre-vingt-douze ans, n’est pas du genre nostalgique – sa curiosité insatiable et sa légèreté ont toujours dominé sa vie et son travail photographique. Comme elle le dit, la photographie est « un alibi, un prétexte pour tout voir, pour aller partout, pour communiquer avec tout le monde ». Cela se reflète dans ses remarquables photos vintage de Paris dans les années cinquante – pleines de compassion et de tendresse envers l’humanité. C’est grâce à ce catalogue et à l’exposition qui va suivre à la galerie que nous espérons mettre au premier plan la photographie de Weiss, mais espérons-le, cette fois-ci pour de bon.
Sabine Weiss, Mémoire Intime
10 février – 29 avril
Galerie Stephen Daiter
230 W Superior Street, Suite 400
Chicago, IL 60654
Etats-Unis