S. une galerie – Le Select – présente jusqu’au 5 février une exposition de Véronique Sablery. Elle présente Méta-morphe comme suit :
Si l’on s’en tient aux définitions simples proposées par le dictionnaire, Méta est un préfixe qui provient du grec μετά (meta) (après, au-delà de, avec). Il exprime tout à la fois la réflexion, le changement, la succession, le fait d’aller au-delà, à côté de, entre ou avec. Morphe provient du grec ancien μορφή, morphé (forme)
Sous le titre Méta-morphe sont réunies des photographies comprenant chacune un ou plusieurs éléments en verre qui font écho aux miroirs de l’espace d’exposition sur lesquels elles sont accrochées ainsi qu’aux lustres qui les éclairent.
Ces photographies se divisent en trois catégories ayant un titre différent: Verreries, Apesantes images et S’abstraire. Leur point commun est la distorsion de l’objet photographié au moment de la prise de vue par un phénomène optique qui le transforme: la pose d’une demi sphère de verre qui fait loupe ou bien le bougé de l’appareil photographique. Il se produit alors un changement, méta, de la forme initiale, morphe, une sorte de déplacement métonymique du sens où l’intégralité de l’image disparaît au profit d’un détail qui en révèle autre chose.
Verreries est le titre d’une série de photographies de verres de table saisis au travers les vitres de musées où ils sont exposés. Les reflets des vitrines jouent avec ceux des verres, d’autant plus que la photo est prise en bougeant l’appareil au moment de la prise de vue produisant ainsi une fusion des deux reflets, celui des verres s’additionne à ceux des vitres pour recréer un espace flottant où le fou domine.
Sous le titre Apesantes images et S’abstraire sont regroupées des photographies réalisées en posant une loupe de verre sphérique sur des reproductions de peintures qui illustrent différents chapitres des Métamorphoses d’Ovide. L’image se trouve comme boursouflée par ce dispositif optique et l’on voit à l’intérieur de cette bulle les reflets de l’environnement dans lequel la prise de vue à été réalisée. Cette sorte de bulle insérée dans l’image produit un effet d’apesanteur comme pourrait le faire une bulle de savon en suspension dans l’espace. D’où le titre Apesantes images.
C’est à partir de cette série que s’est construite la suivante intitulée S’abstraire. Il ne reste plus que la partie sphérique de l’image qui a été soustraite à son environnement. Elle est ensuite mise en suspension entre deux plaques de verre faisant ressortir l’aspect sphérique. Pour accentuer la légèreté de la photographie et la rendre plus immatérielle, elle a été imprimée sur un polyester transparent au travers lequel on peut apercevoir son reflet dans le miroir sur lequel la photo est suspendue. Le regardeur se trouve ainsi inclus dans l’œuvre qu’il regarde.
Un des récit fameux des Métamorphoses d’ Ovide est l’histoire de Narcisse qui s’abîma dans la contemplation de son propre reflet. La proposition qui m’a été faite d’exposer sur les miroirs du Sélect m’a immédiatement séduite. Le Sélect, ce lieu mythique vit passer tant d’artistes qui s’étourdirent aux reflets de ses miroirs et sous l’éclairage doré de ses luminaires. Ajouté aux cliquetis étincelants de la verrerie dans laquelle on boit parfois jusqu’à l’ivresse, c’est une belle opportunité d’ expérimenter un double aspect du reflet, une sorte de redondance qui en démultiplie le jeu optique.
L’exposition Méta-morphe en témoigne, traduisant mon interrogation et mon étonnement devant la mouvance continue de ce que l’on pourrait appeler le réel qui n’est plus le même en fonction du regard que l’on y porte et de la projection de soi qui l’accompagne. L’image métaphorique est là, la méta-morphe opère, saisissant une fraction de réalité tangible captée par l’œil du photographe qui sans lui demeurerait insaisissable.
Véronique Sablery Janvier 2024
Véronique Sablery : Méta-morphe
9 janvier – 5 fevrier 2024
S. une galerie – Le Select –
99 bd. Montaparnasse
75006 Paris