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Fotografia Europea : Ryuichi Ishikawa

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Chez Ryuichi Ishikawa les photographies racontent sa version d’une histoire dans laquelle il s’implique. Autant la description littéraire qu’il peut en faire offre un cheminement cohérent, historique et séquentielle comme cela figure dans son texte ci-après, autant sa vision graphique, plus précisément photographique, vient en contrepoint dans une démarche de ressenti, d’émotivité et d’affectivité.

Il est toutefois constant à travers ses œuvres de trouver un fond multiculturel qui permet une lisibilité pour plus grand nombre.

Sur la série «Mitsugu» par Ryuichi Ishikawa

Une femme est morte et l’urne contenant ses cendres a été enterrée dans la tombe de famille de son mari. C’était la coutume d’Okinawa. Des années plus tard, l’homme a rencontré une autre femme et ils sont devenus un couple. Ils étaient les parents de Mitsugu.

La mère a élevé Mitsugu de manière légèrement inhabituelle, par exemple en lui faisant porter des jupes. Déjà très jeune, il était conscient de ses préférences sexuelles et de son attirance pour les hommes, mais il ne sait pas si cela est dû à son éducation. Mitsugu est devenu de plus en plus seul dans son l’adolescence, quand ses pairs masculins ont commencé à parler des filles. Il a subi des mots inconsidérés et il est devenu vindicatif envers tous ceux qui l’entourent. Le mot «harcèlement» n’existait pas alors et il ne savait pas comment se protéger des gens mal intentionnés.

En ville, il était vénéré comme une figure emblématique de la mode. Il fréquentait les clubs et passait des journées avec ceux avec qui il était devenu ami au cours de la nuit. Pourtant, Okinawa était beaucoup trop pesant pour Mitsugu et, après avoir obtenu son diplôme au lycée, il quitta sa ville natale pour Tokyo, où il passa des nuits sans soucis sous une lumière éternelle. Les gens de son entourage ont commencé à parler de la vie flamboyante à Londres, à vingt ans environ, et il  décida d’y aller. À Soho, il a trouvé une place dans les communautés, gays, parmi les artistes, les riches et les gangsters. Il a travaillé dans des restaurants, des cafés ou des magasins de vêtements pendant la journée et s’est anéanti toute la nuit. Il a rencontré un homme qui était artiste et ils se sont mariés. Il était dans cet environnement et souhaitait y rester pour toujours, tout en continuant de penser à ses parents vieillissants qu’il avait laissés à Okinawa.

Environ vingt ans après son arrivée au Royaume-Uni, il a reçu un appel l’informant de la santé défaillante de son père. Mitsugu décida de rentrer à Okinawa, laissant son partenaire, désormais violent, qui s’était abandonné à la consommation d’alcool et de drogue. Peu de temps après son retour dans sa ville natale, son père est décédé. Il fut enterré dans la tombe de la famille, celle où repose sa première femme. Mitsugu était maintenant tout seul avec sa mère, qui tomba malade peu de temps après, ce qui le contraint à s’occuper de sa mère.

Mitsugu a détruit l’autel bouddhiste familial dans la maison. Pendant dix longues années, la mère et le fils se sont fait face, chacun essayant de convaincre l’autre de sa position et d’être accepté, essayant d’aimer et d’être aimé, un processus qui les a tous deux épuisés physiquement et mentalement. Puis sa mère est morte.

Environ six mois avant le décès de la mère de Mitsugu, j’avais reçu un message avec une photo, via FaceBook. «J’ai vu tes livres de photos et j’aime tes œuvres. Voudrais-tu venir me photographier ?

Mon activité étant bien remplie et ne pouvant pas réagir immédiatement, j’ai répondu: « Je ne peux pas venir vous voir tout de suite, mais je vous contacterai plus tard. » En réalité, la photo jointe au message le montrant arborant plein de tatouages sur son visage, avait partiellement déclenché ma réticence.

Cependant j’acceptais l’invitation, car je ne souhaitais pas prendre de photos qui pourraient être uniquement dictées par l’apparence farfelue et excentrique du sujet.

Environ six mois après avoir reçu le message, je lui ai envoyé un mail dans lequel je disais: on peut être amis d’abord, ce n’est pas une mauvaise idée de se rencontrer et de parler. Sa chambre était sombre avec des rideaux fermés et une table était disposée, comme un autel bouddhiste improvisé, avec une urne. La mère de Mitsugu était morte un mois auparavant. Nous nous sommes rencontrés à quelques reprises et nous avons échangé. Nous avions des amis communs ce qui nourrit la conversation. En parlant, j’ai appris qu’il souhaitait aller à la plage de sa ville d’origine avec l’urne de sa mère pour disperser ses cendres le lendemain de la cérémonie commémorative bouddhiste du quarante-neuvième jour suivant. sa mort.

Le jour où nous allions disperser ses cendres, il m’est apparu nécessaire d’apporter un appareil photo de qualité professionnelle qu’une connaissance m’avait transmis plusieurs années auparavant et que je n’avais que rarement utilisée En arrivant chez Mitsugu, il m’a raconté qu’il avait accidentellement trouvé chez lui un mortier de fer et un pilon qui pourraient être utilisés pour briser les os. Les événements se sont déroulés comme une série de miracles tout au long de la journée. La présence et le comportement de Mitsugu ce jour-là m’ont fait imaginer qui était sa mère , une personne que je ne pourrai jamais rencontrer.»

 

Fotografia Europea

Chiostri di San Pietro

Reggio Emilia

http://www.fotografiaeuropea.it

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