Né à Omsk en 1971, Sergey Loier est encore très jeune lorsqu’il reçoit en cadeau un FED 5C, copie russe du Leica. Il passe alors des heures à photographier les enfants au bac à sable. Il ignore que vingt-cinq ans plus tard, appareil numérique en bandoulière, il arpentera de nouveau les aires de jeux, sollicité par ses amis pour photographier leurs enfants. En 2004, Sergey se retrouve « par hasard » photographe de plateau. Il a l’idée de créer ses propres histoires en observant les œuvres emplies de non-dits et d’ambiances sourdes du metteur en scène lituanien Eimuntas Nekrosius et du photographe Evgeny Mokhorev. Bientôt, il présente des miniatures à travers lesquelles il essaie de transmettre ses émotions comme s’il s’agissait de paroles, de cris ou de pleurs. Sergey ne cherche pas à mettre en scène une idée mais à exprimer son vécu et son ressenti intérieurs.
« Je fais toujours le même rêve. Ma mère franchit une porte… J’ai peur qu’elle m’abandonne… » Ce projet est né en 2005 d’une idée : ne pas oublier qu’il y a, autour de nous, des enfants qui n’ont ni père ni mère. Qui attendent chaque jour que des parents viennent. Qui manquent d’affection et de chaleur. Qui vivent à côté de nous. Notre rue abrite peut-être un orphelinat ignoré, par la fenêtre duquel un enfant regarde silencieusement les passants, espérant reconnaître celui qui viendra le chercher.
Le projet a été mené à bien jusqu’en 2008 et les prises de vues ont eu lieu dans le musée municipal d’Omsk, alors fermé pour restauration. Des enfants de 4 à 6 ans y ont participé. La plupart avaient passé l’essentiel de leur existence à l’orphelinat. Les prises de vues terminées, tous ont trouvé une famille. Petits mais très adultes, ces enfants ont beaucoup échangé et fait preuve d’une extrême curiosité. Vifs et sincères, ils se sont appliqués à jouer leurs rôles, exprimant le désir constant d’aider et de partager leurs propres façons de voir et d’interpréter.
Anna Shpakova, commissaire
Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud