Au début des années 2000, en marge de ses travaux de commande pour la mode et la publicité, Ronan Guillou entreprend ses premières investigations photographiques personnelles dans les espaces urbains américains. Les Etats-Unis deviendront peu à peu le sujet principal de Ronan, qui s’engage alors dans une odyssée en couleurs à travers l’Amérique de ce début de millénaire. Privilégiant pour son récit photographique le hasard, la rencontre et le désir d’expérience, les explorations du photographe le mènent à observer et ausculter cette Amérique qui fascine, où fiction et réalité entretiennent une relation singulière. Dans son travail qui tient tant de l’intention documentaire que de la recherche formelle, Ronan exprime son attachement pour la tradition iconographique américaine et en propose une interprétation personnelle au fil de ses nombreux séjours sur ce territoire. Ronan Guillou fut nominé en 2009 au Prix HSBC pour la Photographie, en 2008 au Prix Nièpce et lauréat en 2007 de la Biennale des Agents Associés au Musée des Arts Décoratifs Depuis 2005, les travaux de Ronan Guillou font l’objet d’expositions personnelles et collectives en France et aux Etats-Unis. Ronan Guillou est né en 1968 à Bouar (République Centrafricaine), il réside et travaille à Paris.
EDITION
Angel
Editions Trans Photographic Press
préface de Wim Wenders.
ISBN : 978-291-3176-911
REPRESENTATION
http://www.nextlevelgalerie.com/ http://www.phom.fr/
Un Ange Passe… Par Wim Wenders
Qu’arrive-t-il vraiment quand l' »Ange passe… » (de façon métaphorique ou autrement), qu’il nous prévient visuellement (de manière encore indéfinie) et nous montre combien le moment en question est si singulier qu’il donne instinctivement envie de le partager ? Pour être moi-même photographe, j’ai la réponse : dans cette seconde où le sujet apparaît, surgit, se révèle par sa présence (ou peut-être à l’inverse : sa soudaine absence ! -), le désir de le photographier s’accorde simultanément avec l’action de lever l’appareil, de viser et déclencher. Alors vous touchez un moment d’extase, – voire un instant de grâce – vos yeux sont guidés, « radiocommandés », vous réfléchissez à peine, parfois même sans chercher à cadrer : C’est là ! […] Ronan Guillou fait partie des quelques photographes que je connais (enfin, pas encore personnellement) qui ont l’œil (et l’oreille de l’âme) prêt à saisir ces instants éphémères. Il est vrai que je vois l’ange passer dans nombreuses de ses images. […] Au début, j’ai beaucoup souri en cherchant à m’immerger dans l’univers de ces photographies. Elles ne vous demandent pas de sourire, elles vous font sourire… (C’est une grande différence !) Elles vous font partager ces instants de grâce. Tout comme cette personne, chuchotant « un ange passe… », vous regardez attentivement ces images dans un bref silence, et pourriez vous surprendre à frissonner. […] Ce qui m’enchante dans les photographies du livre de Ronan Guillou, c’est que toutes ces images sont trouvées. Toutes sont réalisées dans l’impulsion du moment. Elles ne sont ni manipulées ni « travaillées ». Elles rayonnent de réalité. Quel soulagement ! Je ne peux renoncer à l’idée que trouver est devenu plus créatif qu’inventer. (Je sais que cette thèse est en opposition avec la philosophie actuelle du métier) Cependant, on ne trouve pas comme ça, d’un seul trait, sous le coup de la chance. D’abord il faut chercher. Et il faut savoir où chercher. Savoir quand voir ce que l’on cherchait. Alors, si la chance vous sourit, (et que vous avez suivi le signe de l’ange) vous réalisez des images que nous pourrions interpréter comme des « offrandes », elles sont apparues à vous, vous ont été offertes, et à votre tour vous pouvez les transmettre. Ainsi celui qui observe l’image prend-il part à la grâce de ces moments, sans avoir à s’extasier de votre créativité. Vous l’invitez à partager avec vous ce moment où l’ange passe. Ronan trouvait (et regardait) en Amérique, c’est en cela que sa précieuse collection d’offrandes a d’autant plus de signification pour moi. Les Etats-Unis sont un territoire difficile pour les photographes (les Européens plus particulièrement), une aire abondante de « déjà-vus ». Je parle en connaissance de cause, pour avoir moi-même été exposé trop de fois à ces dangers. Ronan a échappé à la plupart de ces pièges. Les Américains qui le regardent (et vous regardent maintenant) dans ces photographies apparaissent dans la brèche à laquelle Leonard Cohen fait allusion, pour que l’ange de la photographie puisse leur distiller la lumière… Je remercie l’ange d’être passé. Et je remercie Ronan de l’avoir aperçu, et dans un murmure, de nous l’avoir annoncé…
Wim Wenders.