Une maison d’édition, une agence, une fondation; Contrasto est l’un des institutions les plus vivantes de la photographie italienne. Nous avons voulu lui consacrer cette journée.
Interview avec Roberto Koch, fondateur et président de Contrasto et de la fondation FORMA pour la photographie à Milan. Interview réalisé par Valentina Notarberardino.
Contrasto est la maison de publication de livres illustrés et de photographie la plus en vue en Italie. Depuis plus de quinze ans, elle a agrandi son catalogue de 35 nouveaux titres par an, et fait état aujourd’hui de 400 publications : des monographies d’artiste, les livres de la série Box, ceux de la série Logos, et les applications consacrés aux grands photographes. Depuis 2002, l’éditeur indépendant a distribué des volumes en anglais partout dans le monde, notamment aux États-Unis. Aujourd’hui, Contrasto est un acteur majeur dans le monde des co-publications, travaillant avec de nombreuses maisons d’édition internationales. Le rôle de premier plan des publications Contrasto s’est vu confirmé au dernier salon du livre de Frankfurt, où tous les projets éditoriaux de la maison ont été accueilli avec succès. Contrasto participera à Paris Photo dans l’espace dédié aux éditeurs. Deux livres de Contrasto, “Uncle Charlie” et “The wrong side”, ont été sélectionnés parmi les finalistes des prix attribués aux livres photos par Paris Photo-Aperture Foundation dans la catégorie « Premier livre ». À côté de sa large production éditoriale, Contrasto organise également des expositions dans les plus grands lieux dédiés à l’art en Italie et dans le monde.
Comment Contrasto a-t-il vu le jour ?
Quand j’ai commencé ma carrière de photographe dans les années 80, le monde de la photographie en Italie était plutôt désorganisé ; il n’y avait aucune structure, et les photographes ne bénéficiaient d’aucun réseau professionnel pour leur venir en aide. Le marché italien était rempli d’agences étrangères et d’associations, qui voyaient l’Italie comme un pays de consommateurs, plutôt qu’un pays de production, où l’on pouvait distribuer et publier nos photographies. Mon idée était de rassembler les autres photographes pour construire une structure de production, l’agence Contrasto, qui s’organisa plus tard pour former des alliances internationales, qui changèrent radicalement le profil de l’entreprise dans le courant des années 90, pour qu’elle devienne en définitive la structure de production la plus importante d’Italie aujourd’hui.
Quel a été le parcours de cette maison d’édition au cours des années ?
Nous avons organisé des expositions et les avons fait tourner dans toutes les structures canoniques d’Italie pour les arts visuels, pas seulement pour la photographie : du Palazzo delle Esposizioni à Rome au Palazzo Reale de Milan, en passant par le Palazzo Vecchio à Florence, et ainsi de suite, à Bologne, Naples, et Palerme. Quand aux livres, au départ nous pensions faire des catalogues d’exposition, puis nous avons étendu cela à des projets indépendants. Notre objectif pour la maison d’édition, surtout au début, était de devenir la référence en Italie pour quiconque voulait publier des livres parlant de photographie, et avec le temps, nous avons étendu nos vues à l’international.
Quel a été le premier livre publié ?
Le premier livre qui a donné à Contrasto une vraie visibilité, et une base pour mettre en place la maison d’édition fut “La mano dell’uomo” de Sebastiao Salgãdo. D’autres éditeurs italiens n’avaient pas su voir l’importance de ce volume ; nous avons eu beaucoup de travail pour organiser le show, mais ce fut un grand succès, et donc nous savions que les conditions étaient réunies pour publier un beau livre, qui serait important pour l’histoire de la photographie.
Qu’est-ce qui distingue votre production des autres ?
Nos activités sont si diversifiées, nous essayons continuellement d’intéresser différents types de publics à la photographie : les amateurs de classiques, les jeunes toujours à la recherche de nouveaux talents, les photographes amateurs, et même les gens qui ne s’intéressent pas seulement à la photographie mais aussi à la littérature. Je pense que l’un des défis les plus durs que nous ayons relevé a été de ne pas nous limiter à être une structure seulement à l’usage des professionnels, qui aurait risqué d’être auto-référentielle.
Le travail de Contrasto au fil des années a été d’innover : pour créer les conditions de la promotion de la photographique à un niveau didactique, pour amener les expositions à la vie, pour organiser la publication constante de livres dans le but de promouvoir des projets comme la série “FotoNote”, qui est l’édition italienne de “Photo Poche” français.
Ces dernières années, le succès de notre série “Logos” a été particulièrement significatif, unissant images et textes, créant une effervescence culturelle autour de la photographie.
Parlons des publications internationales et des co-publications.
“Contrasto” a commencé ses publications internationales il y a 7 ans, en 2005. Les co-publications résultaient de relations de travail avec des éditeurs qui remontaient à quinze ans en arrière. “Italia”, par exemple, fut l’un des premiers livres à avoir été publié en français, en anglais, en allemand, et reçut un accueil très favorable ; il fut suivi par de nombreux autres, dont des livres de Gianni Berengo Gardin, Mimmo Jodice, Mario Giacomelli, Paolo Pellegrin et le livre sur Mick Jagger.
Au fil des années, à travers ces collaborations avec des éditeurs internationaux, nous avons pu mettre au point des anthologies photographiques à bas prix qui ont rencontré un franc succès. C’est l’histoire de notre série BOX.
Quels sont vos projets pour le futur ?
Nous voulons rester concentrés sur nos objectifs initiaux, mais l’innovation est fondamentale. Nous avons commencé à sonder le territoire inexploré des applications photographiques, avec une série appelée The Great Photographers, le premier étant consacré à Mario Giacomelli.
Le projet “Contrasto” est aussi conditionné à sa capacité à construire un groupe, ou une communauté, autour de la maison d’édition, et autour de toutes nos activités dans les livres et produits qui en photographie sont comparables à des livres, comme les DVD, ou les autres productions multimédia. Je pense que l’un des challenges les plus importants de Contrasto sera, dans les deux prochaines années, d’intensifier et de renforcer ses efforts pour produire des livres qui entremêlent images et mots de manière encore plus poussée, si possible d’engager de nouveaux auteurs, écrivains, et de créer des volumes qui peut-être n’appartiennent pas, strictement parlant, au catalogue d’une maison d’édition spécialisée dans la photographie, mais qui explorent de nouveaux genres et permettent l’interaction de différents langages, améliorant la manière dont chacun d’entre eux est perçu.
Valentina Notarberardino
Vous pouvez lire l’interview de Roberto Koch dans son intégralité, dans la version anglaise du Journal.