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Robert Polidori, Eye & I

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Eye & I, l’un des derniers ouvrages du canadien Robert Polidori, l’extirpe de son registre habituel. Lui, le photographe d’intérieurs comme d’extérieurs, enregistreur des traces de l’intervention humaine, dont la carrière a pris forme lorsqu’au milieu des années 80, il reçut la permission de documenter la restauration du château de Versailles.

Tel beaucoup d’autre contemporains, il rejette la notion “d’instant décisif”, préfère l’immobilité de ses images au grand format et voit son travail sur les lieux comme « une métaphore et un vaisseau pour leur mémoire ». Dans ce livre, Robert Polidori s’est pourtant attaché à un genre propre aux photographes humanistes du XXe siècle. C’est une collection de portraits pris ici et là, lors de ses nombreux voyages et commissions à l’étranger, principalement en Inde et au Moyen Orient. Elle débute par une vibrante série d’enfants yéménites et libanais, qui posent tout seuls ou en groupes, dont cette magnifique image de l’un d’eux au visage noirci par le cambouis et qui fait la couverture. Les voilà qui s’assoient, s’accroupissent, se lèvent et, comme dans un petit théâtre improvisé, s’adonnent volontiers à un jeu avec l’objectif du photographe. Bien aidé par toutes les couleurs chaudes qui égaient ces scènes à l’arrêt, Polidori parvient ici à découvrir un rayonnement et une douceur qui contrastent avec l’habituelle représentation visuelle du quotidien de ces peuples. Au fil des pages, toujours les mêmes sourires et les mêmes teintes, cette fois sur les visages des plus vieux. Un sentiment de joie commune que l’on retrouve aussi bien dans le regard d’ouvriers que de soldats, de civils armés, de marchands, de pauvres et de religieux. Parce qu’il reste sensible aux architectures et aux objets, Robert Polidori n’oublie pas de faire poser ses sujets dans des endroits qui l’inspirent : un trottoir, un bidonville, des ruines, des carcasses de voitures, des maisons à reconstruire, un terrain de football improvisé, une boutique de flacons en tout genre. Et finalement, il n’est pas très loin de ce qu’il aime, la transcription du temps qui passe, de celui qui est passé, cette signature qui peut être d’ordre privé, social, historique ou écologique. Assez classiques mais belles au toucher, les portraits d’Eye & I révèlent ainsi cette démarche anthropologique animant chaque photographe de la réalité, y compris ceux qui choisissent de représenter ses multiples lois par le silence.

 

LIVRE
Eye & I
Photographies de Robert Polidori
Steidl
192 pages
ISBN 978386930592948 euros

http://www.steidl.de/
http://robertpolidori.com/

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