Le jeu de Paume-Château de Tours expose pour la première fois en France près de 150 tirages couleur de Robert Capa. Considéré comme l’un des plus grand photojournaliste du XXe siècle pour son travail en noir et blanc, il travaille dès 1941 en couleur, et ce jusqu’à sa mort en 1954. Après la deuxième guerre mondiale, il avait pour habitude de partir en reportage avec deux appareils photo, l’un chargé en noir et blanc, l’autre en couleur.
De l’ouverture du carton « Capa couleur » à cette exposition, Cynthia Young (conservatrice des archives de Robert Capa et commissaire de l’exposition) a fourni un travail considérable et ambitieux de recherche, d’editing et de présentation. Elle nous livre ici, à travers des documents personnels de Robert Capa, des revues d’époques et une sélection chronologique de photographies, une deuxième existence du photographe: « il avait la volonté de se réinventer et commencer une nouvelle vie, c’est pour ça qu’il a utilisé la couleur ! »
Même si le cadrage et la ligne « reportage » sont toujours aussi précis, nous découvrons en effet un autre homme. Sa couleur débute pendant la seconde guerre mondiale et devient vite le nouvel air de l’après guerre. De salle en salle, nous ressentons une douceur, une élégance photographique, qui avec aisance viennent s’adjoindre à la profondeur du photographe. Capa enchaîne les reportages à travers le monde, la photographie de plateau, de mode, le portrait, les sports d’hiver.
La couleur change les choses dans l’œil du photographe : ce n’est pas que l’instant et/ou l’action, l’événement. C’est devenu chez Capa une autre recherche : prendre du temps. Il n’a d’ailleurs pas le choix, les pellicules couleur sont lentes et il faut beaucoup de lumière pour figer les choses. Entrer dans la modernité, penser à la relation couleur/ombres/lumières, rechercher l’esthétisme comme ce superbe reflet de montagnes suisses dans les lunettes de l’Américaine Judith Stanton aux sports d’hiver.
La scénographie est soignée et muséale. Photographies exposées sur murs blancs, poutres apparentes, l’exposition épouse l’architecture du château. Il n’y a pas de grands formats inutiles et les trois périodes chronologiques mises en avant par Cynthia Young offrent un déroulé pédagogique et intime du photographe. La recherche des couleurs pour les ektachromes n’est pas uniforme, les pigments n’ont pas résisté au temps et un traitement numérique à été nécessaire : on exagère un peu le trait sur certaines images. Les couleurs des Kodachrome quant à elles sont encore bien là et l’on ressent un vrai lien entre les tirages, notamment ce bleu magnifique. On évolue au rythme des 8 salles, un documentaire sur le photographe et un espace éducatif pour les scolaires offrant la possibilité d’ouvrir des débats.
La troisième période s’achève par l’ultime voyage en Indochine. Comme tout photographe qui se respecte, « on ne se refait pas », c’est plus fort que tout et Robert Capa retourne à la guerre, au coeur de l’action. Il perd la couleur de la vie le 25 mai 1954 en marchant sur une mine anti-personnel.
EXPOSITION
Robert Capa et la couleur
du 21 novembre 2015 au 29 mai 2016
Jeu de Paume – Château de Tours
25 avenue André Malraux
37000 Tours
France
Du mardi au dimanche de 14h à 18h
http://www.jeudepaume.org