La collection L’Album RSF pour la liberté de la presse met à l’honneur les plus grands photographes du XXe siècle. Après Robert Capa, Don McCullin ou encore Raymond Depardon, c’est à Abbas (1944-2018), photographe iranien qui disait « écrire avec la lumière », que nous rendons hommage.
Sur le terrain en Iran, en Afrique du Sud, au Biafra, en Irlande du Nord, ou encore en Afghanistan, celui qui voulait ordonner le chaos en images a aussi témoigné pendant plusieurs décennies de la relation de l’Homme avec le divin. Sa disparition en 2018 a laissé le monde de la photographie orphelin de l’un de ses plus grands conteurs. Pour la première fois, ses images en noir et blanc sont rassemblées dans un album unique.
Le portfolio d’une centaine de pages, séquencé en quatre chapitres illustrant chaque pan de la carrière d’Abbas (Fracas, Iran, Divin, L’œil ) s’ouvre sur un avant- propos de Pierre Haski, président de RSF. Il est éclairé par d’autres textes inédits : le « moment suspendu » par Abbas lui-même ; les retrouvailles historiques avec le colonel de l’apartheid qu’il a immortalisé et présenté en couverture de cet album, par Hamish Crooks ; le récit fraternel de Ian Berry ; le témoignage vibrant sur l’Iran de Shirin Ebadi et l’hommage émouvant de Melisa Teo.
“Mon travail de photographe est une réflexion qui prend vie dans l’action et conduit à la méditation. La spontanéité – le moment suspendu – intervient au cours de l’action, dans le viseur. Elle est précédée par une réflexion sur le sujet et suivie par une méditation sur la finalité, et c’est là, dans ce moment exaltant et fragile, que la véritable écriture photographique commence : le séquencement des images.
Pour mener à bien cette entreprise, il est donc nécessaire de penser en écrivain. Photographier, n’est-ce pas « écrire avec la lumière » ? À une différence près : l’écrivain possède ses mots alors que le photographe est possédé par ses images, par les limites du réel qu’il doit transcender pour ne pas en être le prisonnier.”
— Abbas, Le moment suspendu
“C’était l’une de ses aspirations, et il est triste que nous ne la réalisions que trop tard. Un projet vieux de dix ans, dont nous avions reparlé peu de temps avant sa disparition en 2018. Il était arrivé dans un café de la place du Palais-Royal à Paris avec un portfolio complet, comme si le temps pressait, comme s’il fallait publier dans l’évidence et dans l’urgence. De notre côté, nous étions convaincus que nous avions le temps. Compter sur le temps est une erreur terrible, et qui se paie comptant. Abbas n’est plus, et si c’est un livre de lui, c’est un livre sans lui.”
— Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières
Iranien émigré en Algérie puis en France, Abbas débute sa carrière à la fin des années 1960 en couvrant les conflits politiques et sociaux. À Téhéran en 1978 quand s’amorce le mouvement révolutionnaire, il couvre aussi bien les manifestations pour et contre le pouvoir autocratique du Shah. Durablement indigné du dévoiement de la révolution iranienne par l’extrémisme religieux, Abbas s’attachera, jusqu’à la fin de sa vie, à documenter les relations complexes des Hommes avec la spiritualité et les dieux. Dans les monothéismes d’abord, mais aussi chez les animistes, les chamanes ou les adeptes du culte vaudou en Haïti. Disparu en 2018 à 74 ans, Abbas, Iranien photographe du monde, a toute sa vie gardé l’oeil et l’esprit grands ouverts.
“Cet album est un hommage à un grand photographe humaniste, à un homme libre.”
— Pierre Haski, président de Reporters sans frontières, proche d’Abbas depuis leur recontre en Afrique du Sud en 1978.
Avec les contributions inédites de : Ian Berry, photographe, ami d’Abbas depuis leur couverture du Viêt Nam ; Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix (2003) ; Hamish Crooks, fils d’Abbas ; Melisa Teo, photographe et épouse d’Abbas et un avant-propos de Pierre Haski, journaliste et président de Reporters sans frontières.