Les œuvres photographiques présentées lors de la quatrième édition des Rencontres Photographiques de Rabat (RPR 2019) suggèrent une série de scènes, de visions et d’expériences dans un style photographique qui puise son langage visuel, tantôt dans le répertoire local, tantôt l’universel. Aussi, lorsqu’il intercepte ces miroirs, l’œil du spectateur ne peut qu’être embrasé par cette espèce de feu provenant de photographes obnubilés et rêveurs, tout en étant chevronnés et engagés. Ainsi, ces photographes sont-ils parvenus à faire de la thématique ardue, choisie pour cette édition, à savoir « Frontières et mobilité« , un terrain fertile pour déployer, en subtilité, leurs questionnements et expérimenter leurs choix et préoccupations esthétiques, et ce en dépit des difficultés multiples qu’une telle thématique revêt.
Les approches visuelles des expositions, tout comme les échanges qui auront lieu dans le cadre de la présente édition, sont susceptibles de varier notoirement en contenu et en forme, mais les finalités demeurent identiques, en ce sens où le tourment commun des participants reste celui de s’engager pleinement dans la description, l’analyse et la recomposition des fragments d’une question devenue, de nos jours, la question brulante, par excellence. Cette question consiste à s’interroger sur les possibilités et les conditions, mais également les limites susceptibles de nous rapprocher ou de nous éloigner de la question des frontières et de la mobilité, et ce, quelle qu’en soit la nature, physique ou imaginaire, subjective ou objective, individuelle ou collective.
En outre, nous pouvons affirmer que les photographes dont les œuvres sont présentées, ont réussi, à bien des égards, dans la transmission de leurs messages faits de productions visuelles sagaces, pénétrantes et tordant le cou à moult représentations stéréotypées dont de nombreux écrans regorgent, tout en introduisant prestement d’intéressantes métaphores visuelles et d’importants rythmes « coloriels » en quête de plaisir, d’extase et de satisfaction visuelle.
A notre sens, cela est dû à la grande richesse, à l’indéniable diversité esthétique et au multiculturalisme certain qui caractérise les participants qui proviennent de : France, Mexique, Venezuela, Liban, Algérie, Palestine, Irak et notamment le Maroc.
Et partant de ces références, de ces sensibilités et de ces intentions fécondes, tout comme des tourments créatifs qui s’expriment par le biais de représentations visuelles inédites et se déploient via un vocabulaire nouveau, sous forme de photographies, d’installations photographiques, de vidéos ou de films, les œuvres de Karim Borjas, Nicolas Havette, Imad Mansour, Kenza Benjelloun, et Safaa Mazirh nous invitent à découvrir une magnifique kyrielle d’images qui célèbrent les notions de frontière et de mobilité, notamment dans leur relation avec le corps, un corps relatif à des sujets fragiles, fissurés, harassés et inquiets. Cela s’effectue par le biais de l’exploitation ingénieuse et hautement professionnelle d’un langage graphique basé sur la fusion entre des expressions et des thèmes du répertoire universel de l’art contemporain (comme le clin d’œil à Magritte ou à d’autres artistes), donnant ainsi à ces œuvres un caractère pictural notoire.
Pour leur part, Youssef Bensaoud, Nizar Laajali (la découverte de la 4èmeédition des RPR 2019), Pia Elizondo, Saad Tazi, Patrick Zachmann, Taysir Batniji, Mohamed Mali, Nour Eddine El Ghoumari, Hamadi Ananou et Thami Benkirane, proposent des représentations où la frontière et la mobilité se déploient via un mélange d’aspects expressifs et documentaires, donnant ainsi lieu à des productions caractérisées par leur densité et leur diversité, le tout dans un style qui, d’un côté privilégie la concision, et, de l’autre, le culte du détail, et faisant preuve d’une excellence dans la représentation d’événements, d’états et de situations au sein desquelles la frontière fait l’objet d’une présence amollie, dissoute, et déconstruite.
Les œuvres de Halida Boughriet, Hassan Nadim, Mehdy Mariouch, Nissrine Seffar, Mostapha Romli et Abderrazzak Benchaâbane célèbrent les mêmes notions, avec de légères différences en excellant dans la mise en scène des univers relatifs aux frontières et à la mobilité, et ce en recomposant les fragments de leurs photographies, pièce par pièce, pour leur conférer de nouvelles apparences, tout comme de nouveaux horizons et significations. En procédant ainsi, ces artistes auront contribué grandement à modifier les perceptions et les représentations du spectateur, à propos de cette thématique à laquelle tant de clichés et de stéréotypes collent.
En toute générosité, sensibilité humaine et vision critique s’écartant des sentiers battus, les œuvres de Jacqueline nous transmettent, des fragments de vies de personnes traversant des frontières et subissant le poids de la pérégrination et des aléas des départs. Le fait de passer sous silence l’être humain en l’excluant, constitue le trait principal distinguant cette approche qui semble nous provoquer et nous accuser de silence coupable à l’égard de ce qui se passe, se conformant ainsi à la mission noble de l’artiste engagé, soucieux des épreuves et des infortunes de l’humanité.
Tels sont les quelques aspects qui sont susceptibles de nous rapprocher des préoccupations esthétiques et intellectuelles des participants à la présente édition et qui sont pleinement conscients que leurs œuvres constituent de simples seuils dans l’évocation de la problématique de la frontière et de la mobilité, et de modestes contributions au suivi des événements horribles et effrénés que nos sociétés contemporaines connaissent.
Jaâfar Akil
Directeur Artistique
Des Rencontres Photographiques de Rabat
et Président de l’Association Marocaine d’Art Photographique
4th edition of the Rabat Photographic Encounters 2019
Espace Expressions CDG
Bab Rouah and Mohamed El Fassi Galleries
From April 30 to May 30, 2019