Ce fut l’une des plus originales expositions du Festival de la Gaspesie. Elle s’intitule Un Paysage Fragile. Elle est signée d’Ewa Monika Zebrowski. Elle est accompagnée de son texte.
Venise me séduit, encore et encore : limpide, théâtrale, éphémère.
C’est un lieu que composent 118 îles, 177 canaux et 400 ponts.
Une ville qui flotte dans le temps et l’espace.
Suspendue entre ciel et terre.
Je préfère aller à Venise en hiver. Une saison tranquille, moins de visiteurs.
En hiver, Venise ressemble à un décor de théâtre. Les acteurs, absents.
J’embrasse alors la lumière évanescente de l’hiver.
Le froid aiguise mes sens.
J’ai fait 11 voyages à Venise depuis 2003. En quête de photographies.
En 2017, j’ai été invitée à faire une résidence d’un mois auprès de la Emily Harvey Foundation, un organisme américain fondé par un peintre, basé á New York et Venise.
remembering brodsky (2004), vedute di venezia (2006), of time, lost (2011), Venezia x 9 (2006), Sea of Lanterns (2011), bequest, 200 statues (2019). J’ai créé 6 parcours inspirés par cette ville de reflets et d’histoire, y-inclus 3 livres d’artiste à tirage limité.
un paysage fragile, maintenant présenté à Chandler, est mon premier projet d’envergure en plein air. C’est la première fois que j’imprime sur aluminium. Mon intention est de vous montrer, vous qui regardez, un aperçu de ce paysage fragile, une ville dont la situation géographique est un danger pour son existence.
Pourtant, mes photos ne sont pas des paysages. Ce sont des détails suspendus dans le temps : des fragments, des moments, le portrait d’une ville menace par l’eau.
Un firmament liquide dans un espace de mémoire.
Venise est fragile comme le verre. Une apparition? Une ville mythique.
Mes références sont tirées des paysages du dix-huitième et dix-neuvième siècle, des vedute, peintes par des artistes qui sont venus avant moi, Canaletto, Monet, Sargent, Turner, Morrice.
Venise, autrefois une puissance économique, est maintenant un musée vivant. Les touristes sont nombreux, mais la population permanente diminue, et l’avenir de Venise est de plus en plus précaire.
Comment la serenissima continue-t-elle à inspirer comme elle le fait? La lumière, l’eau, les reflets, les vicoli étroits et mystérieux, le rythme des vaporetti sur les ondes? Ses silences.
La lumière change avec l’arrivée du brouillard; acqua alta, l’eau monte. Des sirènes avertissent que la marée monte et les inondations approchent. Les gens s’y attendent, chaque hiver. Alors, la mélancolie flotte dans l’air.
Et je me sens reliée aux éléments : les étoiles, l’humidité, l’odeur du café.
Mon espace intérieur.
Je m’arrête à Piazza San Marco.
Je ne peux pas à absorber sa beauté fragile. Une vie n’y suffit pas.
Ewa Monika Zebrowski
Translation Francesca Piredda