Alinka Echeverria : Sur le Chemin de Tepeyac
Chaque année, au Mexique, plusieurs millions de pèlerins se rendent à la basilique de la Guadalupe : là, sur la colline de Tepeyac où se dressaient les ruines d’un temple aztèque dédié à la déesse Tonantzin, la Vierge apparut à un berger avant d’emplir de roses le manteau de celui-ci et d’y imprimer son image indélébile.
Protectrice des Indiens et figure nationale, elle est « la Première Métisse », la figure chrétienne à travers laquelle les indigènes ont pu conserver un lien avec leurs divinités d’origine. Aussi la ferveur à son endroit est particulière. Son effigie, sous forme de peintures, de statues, d’ouvrages en broderie trône dans les habitations, surtout les plus modestes. Participer au pèlerinage de la Guadalupe, c’est non seulement aller vers la source, vers l’empreinte originale, mais c’est aussi l’occasion de faire admirer publiquement son icône personnelle, de la faire bénir dans la basilique.
En photographiant trois cents de ces pèlerins de dos et isolés de leur contexte, portant leur trophée sur leurs épaules, Alinka Echeverria prend un parti pris anti-documentaire qui ne manque pas de surprendre pour un tel sujet. Exit les images spectaculaires de foules colorées et de bousculades : « Je veux que le regard soit attiré sur l’individu et ce qu’il porte … Je travaille sur la relation entre la Vierge et le pèlerin », déclare-t-elle. Aussi nous voici devant une déclinaison de représentations à partir d’un modèle commun, mais surtout devant une iconographie représentative de l’art populaire mexicain.
Si l’élément humain n’est pas absent, il est cependant réduit à quelques fragments corporels et vestimentaires : une nuque, des mains, un chapeau, un pantalon, un short, des sandales ou des baskets émergent de derrière l’icône comme autant de faibles indices de la réalité physique et sociale de son propriétaire, devenue homme-sandwich au service du divin. Son visage est dissimulé mais sa Vierge parle pour lui.
Le culte de Notre Dame de la Guadalupe est d’abord celui des images, de leur pouvoir, miraculeux ou non. En procédant à l’accumulation de celles-ci, Alinka Echeverria, photographe mais aussi sociologue des représentations, rend grâce à ce pouvoir par un geste d’iconophile somme toute bien légitime.
Jean-Christian Fleury
Cryptoportique
place du Forum
du 15 avril au 31 mai
du mardi au dimanche de 14 h à 18 h
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entrée libre