Les Exclus du festin – La pauvreté au Luxembourg
Premier pays du monde pour le PIB par habitant, le Luxembourg a la réputation d’être un pays riche et dans l’imaginaire des Européens, on y vit dans l’opulence et la facilité. Ses enseignants sont les mieux payés du monde, loin devant les Suisses. Et le patrimoine médian des Luxembourgeois écrase le classement des Européens avec 440 000 euros, soit quatre fois plus que celui des Français. Le Luxembourg fait donc figure de petit paradis, d’oasis de bien-être et de richesse partagée dans le monde.
Est-ce par goût du paradoxe que le photographe Raymond Reuter et l’écrivain Claude Frisoni ont consacré, avec le soutien logistique et financier de la Chambre des Salariés du Luxembourg, un livre et une expo à la pauvreté au Grand-Duché ? Même si ce pays est plutôt considéré comme une sorte d’Eldorado…
L’Eldorado de la Méduse ?
Car derrière ces statistiques impressionnantes se cache une réalité toute différente, faite d’exclusion et de précarité, de difficultés quotidiennes voire de misère.
De l’aveu même du Service de la statistique, « les inégalités se creusent et augmentent constamment depuis 2017» au Grand-Duché. Et la crise née de la pandémie de covid-19 ne risque pas d’arranger la situation.
Le Statec estime que 18,7% de la population est en situation de «risque de pauvreté» au Grand-Duché, contre 16,5% en 2016.
Un taux qui selon la définition européenne monte à 21,5% de la population
A ces chiffres inquiétants, il convient encore d’ajouter les exclus, sans papiers, les déboutés du droit d’asile, les réfugiés en attente de statut, SDF, victimes d’addictions ou d’accidents de la vie, qui échappent souvent aux observations statistiques.
Les travailleurs de l’ombre , « éboueurs sociaux »
Souvent confrontés à l’urgence, condamnés aux interventions de première nécessité, à des mesures parfois sans lendemain, les travailleurs sociaux se battent avec courage. Professionnels ou bénévoles, ils agissent dans toute une nuée d’associations, d’institutions ou d’ONG spécialisées et actives sur le terrain.
Leur utilité sociale, pour venir en aide aux uns mais aussi pour préserver la tranquillité des autres ne suscite que peu de reconnaissance.
C’est à l’abri des regards que les pauvres souffrent, c’est à l’abri des regards qu’on doit les aider.
Il arrive que des citoyens appellent l’une ou l’autre des ONG pour leur signaler un SDF qui gâche le paysage ou gêne la tranquillité des riverains. Alors, tels des éboueurs sociaux, les acteurs de l’aide sociale d’urgence interviennent, discrètement et efficacement.
Car outre de leurs propres difficultés, ces populations pauvres sont également victimes d’une invisibilité humiliante.
Dignité et visibilté
Aussi bien pour sensibiliser la population et les autorités à ces réalités insupportables que pour rendre aux personnes victimes de la pauvreté visibilité et dignité , Claude Frisoni et Raymond Reuter ont réalisé un livre et une exposition, intitulés « Les Exclus du festin », la pauvreté au Luxembourg.
Ils ont rencontré les associations, streetworkers, acteurs du dialogue social mais aussi les victimes, les pris en charge, les bénéficiaires de l’action sociale…
En respectant leur dignité, ils ont tenté de raconter leurs histoires, leurs combats, leurs espoirs.
Avec une approche à la fois documentaire et littéraire, ils se sont efforcés de donner des visages à une réalité trop méconnue.
Ils se sont aussi attachés à faire partager un sentiment d’humanité et de respect à l’égard de ces personnes victimes d’injustices ou de malchance.
Avec l’aide et les conseils des acteurs sociaux, les deux auteurs ont cherché à comprendre et à entendre.
En rendant aux héros malheureux de ces histoires leur visibilité, ils souhaitent contribuer à instaurer le respect et à œuvrer pour la défense de leur dignité.
Raymond Reuter