En 1981, la Correspondance New-yorkaise de Raymond Depardon a été publiée tous les jours pendant un mois dans le journal Libération en France, provoquant un renouveau dans la photographie française.
Trente-six ans plus tard, le grand photographe et cinéaste français observe à nouveau New York et a réalisé une photographie par jour du 2 au 9 mai pour une exposition à la FIAF, qui débute le 11 mai 2017.
Correspondance New-yorkaise, Juillet 1981: marquée jusqu’alors par l’humanisme de Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Willy Ronis et quelques autres, et par le succès des agences photographiques dans le sillage de l’agence Gamma (créée en 1966 par le même Raymond Depardon, notamment avec Gilles Caron), la photographie française semblait ignorer une nouvelle tendance photographique qui se développait aux États-Unis, avec une nouvelle distance, moins liée à des événements et célébrités spécifiques.
En tant qu’apprenti dans un studio de petite ville à l’âge de quatorze ans, et employé d’une agence photo parisienne à dix-huit ans, où il a couvert des starlettes comme des guerres, Raymond Depardon, avec sa Correspondance new-yorkaise, inaugure un type de photographie plus personnelle. Comme le « nouveau journalisme » de l’époque, il se nourrit de la vie quotidienne et il écrit à la première personne, sans nier sa subjectivité.
Cet été-là, la France avait connu l’euphorie de l’ascension de la gauche au pouvoir. Raymond Depardon, qui avait tout juste quitté Gamma pour rejoindre l’agence mythique Magnum, décida de prolonger son séjour à New York et d’envoyer une photo par jour au journal Libération, un phare de ce nouveau pouvoir.
Cette collaboration, composée de notes d’observations humoristiques en légendes de ses photos, s’est transformée en un événement exceptionnel. Pendant un mois entier, le journal a consacré une pleine page à ces photographies qui n’avaient rien à voir avec l’actualité, mais étaient pourtant toujours publiées ponctuellement, jour après jour.
L’influence de ce travail sur la photographie française a été considérable. Ayant établi des protocoles photographiques, les photographes avaient cessé de réagir aux petits événements incongrus qu’ils rencontraient. La presse a adopté ce type de relation avec la photographie, et des commandes publiques ont été créées, dont, dans les années 1980, la célèbre Commission du Paysage de la DATAR.
Nouvelle distance : plus récemment, Raymond Depardon a évolué dans sa méthode photographique et travaille maintenant avec un appareil grand format 20 x 25cm couleur, au lieu d’un Leica avec un objectif 35 mm en noir et blanc.
Ce désir de modifier la distance entre lui et son sujet lui est venu lors d’un long séjour à New York en 1981. En particulier, il a consacré six ans (2004-2010) à photographier la province française, les places de villages, les espaces semi-urbains, accordant son attention à ce qui est qualifié de « temps mort », ce que nous ne remarquons plus, et il a rendu ces scènes à nouveau remarquables.
Raymond Depardon a accepté d’apporter cette nouvelle approche à New York pour une exposition spécialement commandée par la FIAF, qui sera créée en temps réel, trente-six ans après la première Correspondance new-yorkaise et dix ans après son dernier séjour dans la « Big Apple ». En travaillant avec un appareil grand format 20 x 25cm en couleur, il produit chaque jour une photo ; au bout de huit jours de prises de vue, ses images deviendront une exposition dans la galerie de la FIAF.
Cette exposition a lieu lors du cycle des célébrations des soixante-dix ans de l’agence Magnum Photos.
François Hébel
François Hébel est commissaire d’exposition indépendant, et ancien directeur des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles. Il vit et travaille à Paris.
Raymond Depardon, Correspondance new-yorkaise 2017
Du 12 mai au 1er juillet 2017
FIAF
22 60e rue est
New York, NY 10022
Etats-Unis
