Riche d’un parcours débuté enfant au sein de la ferme familiale à Villefranche-sur-Saône, Raymond Depardon s’est souvent raconté, notamment dans son autobiographie, La ferme du Garet (1995). Pourtant, une zone floue demeure : quels souvenirs précis conserve-t-il de son service militaire?
À vingt ans, Raymond Depardon, pigiste pour l’agence Dalmas, s’est déjà illustré professionnellement et publie régulièrement dans les grands quotidiens et magazines d’informations nationales : France-Soir, Paris Match, etc. Au cours d’un reportage en Algérie, en 1960, il rencontre des photo- graphes militaires du journal Bled, qui lui donnent l’idée de faire son service au sein de la revue des armées. Affecté à la rédaction parisienne de TAM (Terre Air Mer magazine) au grade de brigadier en juillet 1962, Raymond Depardon découvre une atmosphère de travail très libre rassemblant des officiers et des conscrits issus du monde des arts et du journalisme.
Au fil des images de Raymond Depardon et dans le défilement des articles de la revue, se dessinent décors et histoires, petites et grandes. Celle de l’aventure d’un Paris Match militaire, TAM magazine, titre phare né dans la tempête de la guerre d’Algérie pour mieux lui tourner le dos et envisager un avenir à construire, dans lequel l’armée doit se réinventer. Des archives de la revue surgissent des noms d’anciens appelés aujourd’hui célèbres : Philippe Labro, Jacques Séguéla, Francis Véber, parmi toute une nombreuse équipe de photographes et de journalistes aux quatre cents coups sous l’uniforme qui, dans l’énergie de leurs vingt ans, contribuent à cette transformation médiatique de l’instrument guerrier vers une armée de métier.
Pour le compte de TAM, entre les mois de juillet 1962 et d’août 1963, Raymond Depardon entreprend un véritable tour de France militaire aux côtés des différentes unités et photographie du sol, du ciel et de la mer, réalisant ainsi un panorama du territoire métropolitain, pour des entraînements ou des événements sportifs, pour des sujets de sociétés ou institutionnels. Il expérimente sans cesse à l’aide du Rolleiflex grand angle dont la revue le dote, saisit sur la pellicule une armée française engagée dans le bond technologique des « Trente Glorieuses » et fixe le portrait d’une génération : « Apprenez à diriger infailliblement votre œil vers la photo à faire, comme un chasseur à la recherche de sa proie; apprenez à faire de l’objectif de votre appareil le prolongement instantané de votre œil exercé, en un mot, apprenez à photographier comme vous respirez ».
Depuis leur parution dans le magazine, les images de Raymond Depardon n’ont plus jamais été vues : une production singulière d’un reporter parmi d’autres, goutte d’eau dans l’océan de la centaine de milliers d’images qui illustrent la revue TAM.
Pour Raymond Depardon, ces photographies aux armées étaient lointaines, un souvenir presque enfoui d’une époque où il ne se considérait pas encore auteur, trois ans à peine avant la création de l’agence Gamma (1966) qui inaugure la naissance d’un acte photographique indépendant.
Ce corpus de jeunesse, uniquement constitué de négatifs et de planches contacts, est conservé au sein des archives de TAM, à l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), l’héritier des sections cinématographiques et photographiques de l’armée créés en 1915, installé au fort d’Ivry-sur- Seine depuis 1946.
Le travail effectué sur ce fonds et la numérisation de l’intégralité des photographies en 2014 a mis au jour une facette inédite du parcours de Raymond Depardon : entre grandes manœuvres militaires et sujets sociétaux, le photographe, pourtant en service commandé, éprouve déjà son art avec une grande liberté.
Au diapason d’une génération en uniforme, Raymond Depardon délivre un inventaire sensible de la France des années 60, déjà empreint d’une douce distance et d’une conscience du territoire qui constitueront, des années plus tard, la signature d’un grand regard l
Cristina Baron et Lucie Moriceau-Chastagner, Commissaires scientifiques de l’exposition
Raymond Depardon, 1962-1963 Photographe Militaire
17 mai au 31 décembre 2019
Musée national de la Marine
Place Monsenergue, Quai de Norfolk
83000 Toulon
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1er octobre 2019 au 30 janvier 2020
Musée du Service de santé des armées – École du Val-de-Grâce
1 place Alphonse Laveran
75005 Paris