A l’occasion de l’exposition Ralph Gibson : La Trilogie, 1970-1974, L’Œil de la Photographie vous propose une édition spéciale avec une petite rétrospective de la carrière de Ralph Gibson. Retrouvez ici une sélection de ses plus belles images réalisées durant les années 1970. Ce sont évidemment les années de La Trilogie avec trois ouvrages aujourd’hui cultes: The Somnambulist (1970), Déjà-Vu (1973) et Days at Sea (1974).
Premier des trois ouvrages, The Somnambulist est le seul à présenter un texte, une introduction ou plus précisément un avertissement. Ce texte s’adresse au « gentil lecteur » (gentle reader) et lui donne d’une part les clés de regard d’une œuvre atypique où les mots sont désormais photographie et l’invite, d’autre part, à penser l’image en regard de ce texte : la main de Gibson écrivant un texte invisible sur un fond de sable où naissent des végétaux, métaphore d’une œuvre où tout naîtra des dialogues intérieurs et intimes du lecteur dans une alchimie propre. Ce propos liminaire pose l’esprit de l’ensemble « séquence onirique où toutes choses sont réelles. Peut-être même plus. » Tout est là, un voyage entre rêve et réalité se confondant en une même promesse comme le titre même de l’ouvrage le laissait à penser.
Déjà-Vu est le deuxième opus de la grande œuvre de Gibson. Ici la photographie tend à se dégager de sa charge narrative pour entrer plus encore que dans The Somnambulist dans une dimension onirique. La réalité de Déjà-Vu nous entraîne après l’onirisme de The Somnambulist, dans un univers du fantasme et de la réminiscence, des jeux d’échos, de résonance entre les pages, la même image reproduite comme un vague souvenir obsédant. Dans Déjà-Vu, l’espace et le temps se mêlent, obéissent à d’autres règles comme une étrange impossibilité, telle cette double page où la main qui tient le revolver et le corps de celui qui est censé tirer appartiennent à des géographies et à des dates différentes, ils sont rapprochés visuellement en une image double et pourtant lue comme unifiée.
Days at Sea est l’ultime ouvrage de La Trilogie. Ici, le réel offert au lecteur est celui de l’intime, des pulsions sexuelles ou fétichistes affirmées. Le langage devient de plus en plus épuré, les formes s’imposent, les clichés deviennent l’expression de l’épure, en noir et blanc, où seuls apparaissent les éléments essentiels du désir d’un auteur qui transforme le lecteur en lecteur-voyeur. Cette conclusion dans le champ des pulsions de La Trilogie de Gibson s’effectue par une phrase déposée dans la discrétion, au bas d’une page blanche en français, « La Trilogie est achevée. Quel désir impossible ». Aveu d’impuissance devant la complexité de son projet ? Allusion au désir sexuel, si prégnant dans ce dernier opus de La Trilogie ? Une fois encore, les lectures multiples sont possibles, et même l’interprétation d’un échec suffirait à donner à l’œuvre tout son poids.
C’est le privilège de La Trilogie, comme œuvre ouverte, de maintenir le travail photographique de Ralph Gibson dans l’ambiguïté : prises individuellement, ses images se suffisent à elles-mêmes, font de lui un photographe dont le langage visuel, souvent copié, rarement égalé, signale un des plus grands noms de la photographie américaine contemporaine.
Ralph Gibson : La Trilogie, 1970-1974
Du 18 octobre 2017 au 8 janvier 2018
Pavillon Populaire
121 Allée de Jerusalem
34000 Montpellier
France