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Rachael Jablo

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La colère fait perdre la tête, la surprise la voix, la migraine les mots. Depuis le dévastateur Sida, les décades sont associées à des maladies, chaque fléau définissant une esthétique en même temps qu’une société. Dans My Days of losing words, ce livre court et pâle, Rachael Jablo propose une rhétorique visuelle de la migraine, chronique d’un quotidien où le clic discret de l’appareil photo peut résonner comme une cloche assourdissante sur les parois crâniennes, où la lumière essentielle au médium est source d’une douleur paralysante, physiquement et psychologiquement.
Son inventaire des mots que la violence des attaques lui fait oublier constitue un étrange imagier dont les définitions, imprimées en blanc glacé sur les pages blanches, sont difficiles à décrypter. L’étrangeté vient du champ lexical et visuel qui en ressort. A regarder les représentations qui leur sont associées, les 33 mots oubliés ne semblent pas si aléatoires, répondant souvent directement aux symptômes de la maladie.
Les objets saillants, aigus comme les crises, sont récurrents, trancheuse à jambon, seringues, couteau à viande, jusque dans le mot « cœur » incarné par un poulet découpé dans la longueur, divisant deux parties semblables au milieu desquelles trône un autre couteau. Les verbes de la frustration reviennent aussi, désirer, fondre, incliner, et même flétrir, superbement illustré par un bouquet de ballons, symbole d’un bonheur aussi éphémère que le répit, trop bref entre deux vagues de douleur. Les pilules de toutes les couleurs se mêlent à la nourriture et à la décoration, envahissant la table de la cuisine et le plan de travail, la salle de bain, le guéridon, le sac à main, emportant les mots les plus simples dans leur arc-en-ciel.
Les médicaments aident cependant, tout comme la photographie, catharsis physique et émotionnelle permettant de compenser « ce temps perdu à la douleur », pour reprendre les mots de Robert Wuilfe, commissaire d’expositions et migraineux qui, de même que le Professeur Dawn C. Buse, enrichissent de leurs expériences ce livre touchant et pédagogique. Le dernier mot de l’ouvrage est « horizon », la dernière image un portrait de la photographe foulant un trottoir ensoleillé, libérée de sa prison obscure. Avec cette série, Rachael Jablo propose de comprendre la migraine pour la défier.
Si les nombreux auto-portraits en font un travail profondément personnel, il n’en demeure pas moins un plaidoyer pour l’amélioration de la condition des victimes de la troisième maladie mondiale. My Days of Losing Words est d’ailleurs exposé à la galerie de l’Université de Californie, à Los Angeles, qui se donne pour mission d’utiliser l’art pour enseigner la compassion envers les victimes de maladies chroniques aux étudiants en médecine et au public.

Livre
 »My days of losing words »
Rachael Jablo
Editions Kehrer Verlag
96 pages
35 euros/45 US dollars
http://www.kehrerverlag.com/html/de/aktueller_verlagstip.html

Exposition
Du 3 décembre 2013 au 19 février 2014
The Gallery at the Learning Resource Center, David Geffen School of Medicine
UCLA (University of California)
700 Westwood Plaza
Los Angeles, CA
USA
http://www.medsch.ucla.edu/LRCGallery/

http://www.rjablo.com/

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