Dimpy Bhalotia est l’une de mes photographes préférées de tous les temps. Je me souviens encore d’avoir découvert son travail sur Instagram il y a plusieurs mois et je suis immédiatement tombée amoureuse. La façon dont elle compose ses images et dont elle voit et capture ses sujets est si unique que je n’ai pas pu m’empêcher d’approfondir son portfolio.
Finalement, j’ai décidé que je voulais en savoir plus sur cette artiste, et nous avons fini par faire cette interview. Profitez et laissez-vous surprendre.
Nadine Dinter : Vous avez été reconnue comme l’une des 31 photographes de rue les plus influentes en 2022 et 2023. Pour moi, vos photographies vont bien au-delà de la photographie de rue en raison des nombreux aspects qu’elles rassemblent. Y a-t-il un terme spécifique que vous préféreriez utiliser vous-même pour décrire votre travail ?
Dimpy Bhalotia (DB) : Vous avez tout à fait raison, et j’étais à la recherche du terme parfait pour définir mon style de photographie distinctif. Le désir d’inventer un mot qui résume mon style photographique a toujours été dans mes pensées. Pourtant, je n’ai pas découvert le terme idéal. Je trouve difficile de m’intégrer parfaitement dans des catégories prédéfinies comme la rue ou le documentaire, etc. Bien qu’il y ait quelques possibilités qui résonnent parfois en moi, comme «photographie momentanée», «photographie visionnaire» ou «photographie de l’instant», aucune n’englobe complètement l’essence de ma vision artistique.
Comment abordez-vous le paysage ou le sujet que vous souhaitez photographier ?
DB : J’adopte souvent une approche minimaliste de la composition, utilisant la lumière et l’ombre pour créer des photographies évocatrices qui transmettent la résonance émotionnelle d’un moment particulier.
J’aime insuffler à mes photographies un sentiment de surprise en incluant un élément inattendu qui ajoute une touche de fraîcheur et une perspective légère à la scène. L’humour et la surprise dans mes photographies sont souvent subtils et contribuent à ajouter de la profondeur et de la dimension à mes photographies, plutôt que de nuire à leur impact émotionnel. En trouvant des moments uniques dans la vie quotidienne, j’encourage les spectateurs à voir le monde sous un nouveau jour et à apprécier les petits moments de joie et de connexion qui sont souvent négligés.
Je suis également très attentive à l’intimité, à la dignité et à l’espace personnel de chacun. Je photographie souvent à distance pour capturer la spontanéité et l’authenticité du moment sans empiéter sur l’espace personnel des gens ni perturber leurs activités. Quand je dois m’approcher extrêmement près, je souris simplement et fais un geste pour indiquer que je vais prendre une photo. Je le fais de manière très respectueuse et non intrusive. Je suis très attentive au contexte dans lequel je vais photographier. Je suis également sensible aux normes et pratiques culturelles. Je crois en l’importance des échanges culturels et j’encourage les spectateurs à apprécier la diversité et la richesse des nombreuses cultures et croyances du monde à travers mes photographies.
Avez-vous une heure, un jour ou des conditions météorologiques préférés qui se sont avérés idéaux pour vos photographies ?
DB : Je n’ai pas de routine ni besoin d’une condition idéale spécifique pour photographier, mais j’ai une réponse organique aux qualités spécifiques et à l’ambiance de chaque lieu. Il s’agit de m’immerger dans l’instant, de laisser l’environnement guider et inspirer mes choix créatifs. Je trouve de la joie à embrasser l’ambiance unique qu’offre chaque emplacement. Bien que je sois naturellement attiré par les endroits avec une lumière naturelle abondante, ce n’est pas une règle absolue; mes choix dépendent finalement de l’ambiance de l’endroit où je photographie. Chaque lieu possède son propre caractère, sa propre ambiance, et je pense qu’il est essentiel d’adapter et d’apprécier ces qualités individuelles. Il s’agit d’être à l’écoute de l’environnement, de comprendre comment la lumière interagit avec l’environnement et comment cela influence la sensation globale et l’impact du processus de photographie.
Vous êtes née en Inde et avez déménagé à Londres en 2005 pour terminer vos études. Quel pays avez-vous trouvé le plus inspirant pour votre photographie artistique/créative, et lequel pour votre travail de commande en tant que directrice de création ?
DB : Au cours de mes nombreux voyages, j’ai visité de nombreux pays, mais je n’ai pas encore trouvé un pays aussi diversifié que l’Inde. L’Inde, ou Bharat comme on l’appelle aussi, a une énergie très enrichissante, qui m’a laissé un effet revigorant. Cela a joué un rôle central dans la formation et la découverte de mon identité et de mon style. L’exploration de ce vaste territoire a considérablement transformé ma vision de l’existence dans son ensemble. Il y a quelque chose de tellement mystique qu’il altère l’essence même de l’être. C’est comme si l’atmosphère avait le pouvoir de recalibrer la chimie de la transpiration, insufflant un sentiment de guérison et faisant vibrer et résonner le monde immédiat autour de vous. J’ai expérimenté des fréquences de vibration élevées aux vents richement chargés et aux différentes molécules de vie très intimement ici. Cela m’aide beaucoup à maintenir un état d’activité élevé, à la fois dans le corps et dans l’esprit. J’ai vécu intimement un lien profond avec cette terre. La richesse de la terre et les propriétés transformatrices que j’ai rencontrées en Inde brillent d’un éclat extraordinaire et occupent une place particulière dans mon cœur. La plupart de mes œuvres commandées sont réalisées en Inde, et toutes me sont très chères.
En 2020, votre photographie « Flying Boys » a remporté les IPPAWARDS ; L’Officiel l’a appelé « la photographie la plus célèbre ». Cette reconnaissance a-t-elle changé votre vie de photographe en ce qui concerne la façon dont vous vous voyez et la façon dont les autres vous voient ?
DB : Gagner ce prix a été un tremplin dans mon parcours artistique, me permettant d’influencer profondément les pensées et les actions des gens à travers mon art. Il a fourni une plate-forme pour répandre l’amour, l’espoir et la liberté dans un monde aspirant à ces vertus. Cette reconnaissance m’a aidé à atteindre un public plus large, à étendre mon message et à sensibiliser à l’importance de la photographie. Cela a alimenté ma détermination à créer des photographies qui suscitent la réflexion, comblant le fossé de l’éducation artistique et inspirant les spectateurs avec la beauté de l’expression artistique. Cette distinction a amplifié ma voix, m’a connecté avec plus de spectateurs et a favorisé une appréciation plus profonde de l’art. Je suis reconnaissante d’avoir l’opportunité de partager ma perspective créative et d’inspirer les autres à adopter leurs propres expressions artistiques.
On voit beaucoup de chiens sur vos photos. Y a-t-il une raison particulière à cela ou est-ce une pure coïncidence ?
DB : La photographie a transformé mon parcours pour vaincre la cynophobie, la peur des chiens. Cela m’a permis d’affronter ma peur de front, établissant progressivement une connexion et une appréciation pour ces animaux. La photographie a servi de pont, établissant la confiance et transformant la peur en admiration et en affection. Cela m’a permis d’observer les chiens sous un angle différent. Le processus de capture de leur essence, de leurs expressions uniques et de leurs qualités attachantes m’a progressivement aidé à développer un sentiment de familiarité et d’appréciation pour ces animaux. Cette expérience a déclenché une passion pour la capture de la beauté des animaux et m’a appris le pouvoir d’affronter les peurs par l’expression créative. C’est devenu un processus de transformation pour moi. Cette expérience m’a non seulement aidé à surmonter ma peur, mais a également suscité une nouvelle passion pour capturer la beauté et l’essence des animaux.
Quelle est votre vision de la photographie couleur ? Avez-vous déjà photographié en couleur, et si oui, pourquoi êtes-vous passé au noir et blanc ?
DB : J’ai photographié à la fois en noir et blanc et en couleur. Il se trouve que j’ai photographié beaucoup de portraits en couleur, et utiliser le noir et blanc pour la rue, qui domine mon portfolio. Mais je suis toujours en train d’expérimenter et d’explorer mon métier. Je ne suis pas limitée à un style ou à une esthétique ; au lieu de cela, je m’efforce de capturer l’essence de chaque instant d’une manière qui sert au mieux la photographie et sa signification. Le noir et blanc me permet de capturer mon monde et ma personnalité en supprimant les distractions et en mettant l’accent sur les formes, la lumière et les ombres. Il transmet de l’audace, du calme et une esthétique classique intemporelle, évoquant des émotions et créant des photographies évocatrices.
La photographie en noir et blanc offre également une vue réaliste en éliminant les distractions de couleur, ce qui donne des moments vifs et expressifs. Il transmet l’âme pure et le mouvement des éléments vivants, sans remettre en question les détails. Je crois que le choix entre le noir et blanc et la couleur dépend des besoins de la photographie et du message que je veux faire passer.
Les nouvelles images que nous avons le plaisir de partager et de présenter ici aux lecteurs de L’Oeil de la Photographie ont été prises cette année avec un Leica SL2. Quelle est votre approche technique globale et vos préférences ? Prévoyez-vous votre série ? Revisitez-vous les lieux, observez-vous la situation/les personnes, etc. avant de prendre des photos, ou photographiez-vous rapidement ?
DB : L’intentionnalité d’être présent dans l’instant, dans le maintenant, est un élément essentiel pour moi. Et n’ayant jamais peur de l’inconnu et très curieuse d’explorer et de découvrir le lien humain et le mode de vie m’attire vers des moments uniques. je ne planifie pas; Je vais juste avec le courant. J’aime le jeu des silhouettes et des formes avec des perspectives uniques. Je photographie souvent des arrière-plans qui suggèrent la nature éphémère de la vie et la fugacité de l’expérience humaine. En même temps, mes photographies peuvent aussi être ancrées dans la réalité, capturant les talents des jeunes et des moments de la vie quotidienne dans les rues. Dans l’ensemble, je cherche à évoquer un sentiment d’empathie et de compréhension pour les personnes et les lieux que je photographie, tout en célébrant la beauté et la liberté du monde qui nous entoure.
Envisagez-vous de travailler avec l’IA ?
DB : Je n’ai pas encore commencé à l’explorer. Je n’ai pas eu l’occasion de m’y essayer, du moins pas dans le domaine de la photographie. Cependant, peut-être qu’à l’avenir, je pourrais envisager de m’y plonger à des fins de marketing et de publicité. À l’heure actuelle, je n’ai pas encore trié mes réflexions sur l’IA pour être honnête.
Votre conseil pour la jeune génération de photographes de rue ?
DB : J’ai passé en revue des centaines de portfolios de photographes et j’en suis venu à réaliser qu’il existe une distinction fine entre ceux qui aiment simplement la photographie et ceux qui l’aiment et l’exécutent activement. Il existe deux types d’individus : ceux qui aiment la photographie et supposent automatiquement qu’ils sont doués, et ceux qui aiment, possèdent une compréhension plus profonde du médium et savent comment l’exécuter. En examinant les portfolios, j’ai remarqué que certaines personnes possèdent le potentiel d’exceller dans d’autres aspects de la photographie, tels que la conservation de photos, l’édition, l’écriture ou la critique. Cependant, lorsqu’il s’agit d’exécuter leurs propres idées ou de capturer un moment spontané dans la rue, ils ont tendance à échouer. Je pense qu’il est crucial de déterminer si vous êtes passionné par la photographie parce que vous aimez vraiment prendre des photos ou si vous l’appréciez pour ses autres facettes.
Une fois qu’un photographe a une compréhension approfondie de lui-même, il lui devient plus facile d’identifier ses forces et ses faiblesses. Il est essentiel d’explorer tous les aspects de l’industrie de la photographie avant de découvrir sa véritable passion. Tout le monde n’est pas fait pour être un photographe de rue, car il faut énormément de dévouement, de temps et d’efforts pour capturer la photo parfaite qui incarne un style unique.
En fin de compte, chaque photographie capture l’énergie et la personnalité du photographe. Je crois que l’auto-réflexion et une profonde compréhension de soi sont essentielles pour réussir dans le domaine de la photographie. Pour se démarquer, il est important de développer son propre style et sa propre perspective tout en explorant et en comprenant les processus de pensée. Être unique avec cohérence est très important et c’est la voie du progrès.
Merci, Dimpy, pour les grandes idées!
Pour plus d’informations, consultez www.dimpybhalotia.com
et le compte IG de l’artiste @dimpy.bhalotia