J’ai rencontré Bernhard par l’intermédiaire d’un ami commun et j’ai été immédiatement attiré par son énergie et ses images. La fusion de son expérience dans la mode et de ses séries photos artistiques donne à son travail un avantage distinctif. Cela m’a rendu d’autant plus ravi de faire ce véritable récapitulatif – bonne lecture !
Nadine Dinter : Life is Pink est le titre de votre dernière exposition, qui a récemment été présentée à Vienne et qui se dirige maintenant vers un nouveau lieu. Parlez-nous un peu de cette série.
Bernhard Musil : Life is Pink explore le contraste entre une couleur souvent associée à la naïveté et au kitsch et la complexité des espaces urbains. Il présente un monde légèrement grotesque qui oscille entre les côtés clairs et obscurs de l’existence humaine. Allant de la tristesse à l’humour sarcastique, Life is Pink est une déclaration délibérément ludique mais à plusieurs niveaux.
Dans l’exposition, nous voyons une large sélection d’images – architecture brutaliste, barbes sexy, accessoires succulents – tous teintés de rose. Quand avez-vous commencé à voir le monde à travers une lentille rose – quand le projet a-t-il commencé ?
BM : Mon regard a toujours été guidé par un radar rose. La première photo de la sélection a été prise à Vienne en 2004 – bien avant que Life is Pink ne devienne une idée pleinement concrète. Quelques années plus tard, mon bon ami Nir de Volff a organisé un spectacle de danse dans lequel tous les danseurs portaient du rose et ont peint à la bombe les mots « Life is Pink » sur un mur. Ces moments étaient dans mon esprit alors que je traversais Montréal en bus en 2011. C’était une journée d’hiver grise et pluvieuse lorsque je suis passé devant un parc à roulottes et j’ai vu une femme avec un foulard rose fluo enroulé autour de la tête. J’ai attrapé mon appareil photo, j’ai capturé l’instant, et tout à coup, tout a cliqué : Life is Pink est né.
Vous n’utilisez pas seulement le rose pour le plaisir visuel ; vous éclairez également les perspectives sur la vie quotidienne. Le rose vous donne-t-il une énergie particulière pour combattre le gris ?
BM : La vie quotidienne peut être assez grise, alors pourquoi ne pas se concentrer sur des aperçus de couleur ? J’y vois une forme subtile de résistance à la monotonie. Pour moi, le rose est plus qu’une couleur ; c’est une façon de vivre, un refus presque enfantin d’accepter le statu quo comme immuable. À première vue, Life is Pink peut sembler purement ludique, mais la série offre bien plus qu’une simple évasion. La couleur attire d’abord le spectateur, mais il est ensuite invité à embrasser la beauté mélancolique du sujet
Issu du monde de la mode et de la photographie pour des marques de luxe, ayant travaillé avec des personnalités renommées de l’industrie et beaucoup voyagé, comment conciliez-vous travail commercial et projets artistiques ?
BM : En termes simples : je suis une pute commerciale. J’ai travaillé assez longtemps dans les relations publiques et le marketing avant de me consacrer pleinement à la photographie. Lorsqu’il s’agit d’un travail, je joue en équipe et je me concentre pour satisfaire mon client. Bien sûr, j’essaie de les guider dans l’univers Musil, mais si ce n’est pas ce qu’ils souhaitent, je l’accepte. Au fil des années, j’ai appris que si je le prends personnellement, la seule personne qui souffre vraiment, c’est moi-même. Si je veux montrer mon âme à travers mon travail, j’ai d’autres terrains de jeu. Néanmoins, il y a des moments où l’art et le commerce s’alignent, et cela peut être une expérience véritablement magique. Travailler avec Manfred Thierry Mugler pour le Friedrichstadt-Palast, par exemple, a été non seulement un de ces moments mais aussi un immense honneur.
Vous avez une autre série intitulée Royal Chaos – parlez-nous-en.
BM : En gros, Royal Chaos, c’est une double exposition sous stéroïdes – jusqu’à 30 images superposées les unes aux autres. Il invite les spectateurs à plonger dans un chaos contrôlé d’images provenant de domaines et d’époques apparemment sans rapport. Cela fonctionne comme un test de Rorschach, une matrice de nombreuses visions subjectives. Les images offrent un composite d’associations individuelles, tissées dans un espace multidimensionnel de formes et de couleurs changeantes. Si vous souhaitez vous immerger dans ce monde, visitez : royal-chaos.com.
Quelle est votre approche et votre processus créatif lorsque vous prenez des photos ? Comment développer des idées et les rassembler, comme dans la série Life is Pink ?
BM : Mon approche et mon processus dépendent grandement de ce que je photographie. Dans le travail commercial, je me concentre sur la compréhension de ce qui est requis et sur l’obtention des meilleurs résultats possibles. Dans la photographie mise en scène, comme les éditoriaux de mode ou les portraits, je préfère être bien préparé et concentré tout en créant une vision forte avec mon équipe. J’essaie néanmoins d’éviter d’être trop rigide, permettant aux idées spontanées d’ajouter un peu de piquant à la production.
Par contre, dans des projets comme Life is Pink, je veux juste être libre. Bien sûr, il y a un concept général qui guide mon choix de motifs, mais l’accent est mis sur le fait de s’amuser avec. La devise ici est la suivante : capturez d’abord les moments forts – le reste viendra plus tard, une fois devant l’ordinateur, inspiré par de la bonne musique et peut-être un verre de vin.
Vous partagez votre temps entre Berlin et Vienne. Quels endroits dans chaque ville vous inspirent le plus en tant que photographe ?
BM : J’aime me promener dans les villes – surtout la nuit – et observer leur beauté et leur dureté. Il est difficile de choisir des endroits préférés car, pour moi, l’inspiration vient de l’âme d’une ville et de ses habitants. Vienne et Berlin évoquent en moi des émotions très différentes. Vienne est romantique, décontractée et constamment à la recherche de la beauté du passé. Berlin, en revanche, semble vibrante, en constante évolution et parfois assez brutale. Berlin est comme une danse techno sur un volcan, se détruisant et se renouvelant au passage, tandis que Vienne valse dans un cimetière de grandeur perdue.
Travaillez-vous seul ou collaborez-vous avec une équipe dans un studio ? Et quel appareil photo utilisez-vous ces derniers temps ?
BM : Cela dépend du projet. Pour la mode, la beauté ou les portraits, je suis aussi fort que mon équipe. Dans ces domaines, un travail intéressant nécessite le soutien d’un modèle talentueux et d’experts de confiance – stylistes, maquilleurs, etc. Lorsqu’il s’agit de projets artistiques, c’est une autre histoire. Dans des projets comme Life is Pink ou Royal Chaos, c’est juste moi et mon intuition. C’est un processus libérateur mais intimidant. Parfois, je m’imagine comme un loup solitaire – un chasseur traquant sa prochaine image.
Quel conseil donneriez-vous à la prochaine génération de photographes d’art ?
BM : N’écoutez jamais les voix – internes ou externes – qui vous disent d’être « réaliste » ou qui disent « non ». Laissez votre passion vous guider ; cela ouvrira la voie à l’épanouissement. Comme mon mentor me l’a dit un jour : ne réfléchissez pas trop. Vous sentirez quand c’est bon !
Pour plus d’informations, consultez le compte IG de l’artiste @bmusil et visitez son site Web à l’adresse www.be-musil.com.
Expositions actuelles et à venir
Life is Pink a fait ses débuts à la Galerie Soldo à Vienne du 31 janvier au 27 février 2025. La prochaine étape sera la Berlin Design Week en mai. Royal Chaos revient à Vienne au k47.wien à l’automne 2025.