D’où vient votre photographie ? Quentin Shih : Quand j’ai visité pour la première fois la ville de Wuhan qui se dresse sur les bords du fleuve Yangzi dans le sud de la Chine, j’ai vu des tas de petits restaurants et de petites boîtes de nuit abandonnés sur la rive du fleuve, comme des espaces qui ont été coupés du reste de la ville, vous pouvez voir l’extérieur et quelques détails de l’intérieur, ça m’a inspiré cette série ; et c’est toujours Edward Hopper qui me sert de modèle pour la lumière et les compositions.
Quand a lieu l’instant décisif pour vous ?
Q.S : Je pense que le moment décisif survient quand je donne corps aux idées qui me guident et que je dessine quelques croquis – c’est le moment vraiment important pour moi, une fois que j’ai décidé ce que je veux vraiment, alors le processus qui suit est complètement dénué de créativité, je travaille juste avec une équipe pour exécuter mes idées à partir des croquis afin de réaliser les photos définitives.
Qu’est-ce qui a inspiré votre travail / votre série ?
Q.S : L’histoire de la ville, les gens qui y vivent, les couleurs, la lumière et chaque détail de la ville que j’ai trouvé intéressant.
Quel lien y a-t-il entre votre travail commercial et votre travail artistique ?
Q.S : Je réalise mes travaux commerciaux pour pouvoir produire mes œuvres personnelles, et en même temps l’expérience des techniques utilisées dans le cadre des travaux de commande et l’habitude de travailler avec une équipe créative peut m’aider à mettre au point mon travail personnel. S’il y a une vrai différence, je pense qu’elle vient du fait que le shooting commercial est réalisé pour faire plaisir aux autres en premier et que j’ai beaucoup plus de liberté quand je travaille pour moi.
Une priorité : une grande campagne de publicité ou exposer en galerie ?
Q.S : Difficile de choisir puisque les deux sont de bons tremplins pour montrer mon talent. Peut-être que je choisirait l’exposition, le travail serait plus « de moi ».
Quelles sont les tendances photographiques actuelles selon vous ?
Q.S : À titre personnel, j’aime utiliser un style cinématique pour montrer la solitude des gens d’une manière surréaliste, et j’accorde un soin particulier à la lumière, aux couleurs, à tous les éléments qui peuvent aider à raconter mon histoire. J’aime regarder les photos d’amateurs postées sur internet, je peux sentir l’énergie et la liberté qui animent ce genre de travaux, c’est peut-être le futur de la photographie.
Autre chose à dire? La réponse à une question que je n’ai pas posée?
Q.S : La série WUHAN : « Depuis des millénaires, la grande rivière Yangzi continue de baigner la ville d’une histoire riche. Tout est pris dans le flot, tout est sujet au changement – c’est ma perception de Wuhan. Dans cette série de photographies intitulée Wuhan-Christian Dior, j’ai essayé de reproduire certains espaces ordinaires qui peuvent facilement être rencontrés dans cette ville. Dans cette réalité virtuelle, mes modèles sont habillés en Christian Dior haute couture, interprétant les existences ordinaires d’habitants de Wuhan des temps modernes d’une manière surréaliste et mutique. Dans cet environnement cérémonieux, ils s’échangent des cadeaux, semblant familiers et en même temps étrangers les uns aux autres. Derrière ces espaces ouverts, on retrouve des échos de la culture de cette ville, mystérieuse et hors de portée. » Après les séries The Stranger in the Glass Box, Shanghai Dreamers, Hong Kong Moment, celle-ci est la quatrième coopération du photographe avec Christian Dior.
Quentin Shih est un photographe chinois autodidacte qui a commencé en photographiant des artistes underground locaux. Parmi les leaders de sa génération, Quentin Shih est acclamé pour son style artistique qui utilise de larges décors et des éclairages dramatiques pour créer des mises en scène chargées d’émotion. Il revient maintenant à ses racines dans la photographie d’art et renouvelle ses techniques et ses concepts au sein de sa pratique commerciale et dans la mode pour atteindre à une symbiose unique.
REPRESENTATION
Florence Moll – http://www.florencemoll.com/quentin-shih
Propos recueillis par Séverine Morel
