Platform Africa, le numéro estival d’Aperture Magazine est sorti ce 6 juin en anglais. D’Abdo Shanan à Sabelo Mlangeni, d’Eric Gyamfi à Délio Jasse, cette édition offre un formidable panorama de la photographie africaine. Pensé dans sa diversité, l’ensemble du numéro propose différents axes de lectures autour de ces photographies plurielles, offrant au lecteur de multiples reflets des jeunesses, modes, cultures, économies et situations politiques du second plus grand continent mondial.
Citant en introduction le photographe Nii Obodai, l’édition vise à représenter « une cartographie du réseau » photographique africain. Rejetant l’idée d’une seule et unique photographie en Afrique, Aperture Magazine donne voix aux acteurs et institutions donnant à refléter son caractère fragmentaire. La biennale de photographie Bamako Encounters a longtemps joué le rôle de pierre angulaire de cet ensemble de pratiques émergentes. Créée en 1994, cette biennale était le lieu de rencontres des photographes de l’Afrique de l’Ouest. Peu à peu, de nombreux festivals de photographies ont pris le pas. Le Market Photo Workshop à Johannesburg (Afrique du Sud) comme le LagosPhoto (Nigeria) disputent aujourd’hui les premiers rôles, offrant aux jeunes photographes des ateliers et des espaces d’exposition pour se faire connaître.
Outre les biennales et festivals, des centres d’art et écoles, des associations photographiques et des laboratoires ont vu le jour dans plusieurs coins d’Afrique. La liste est longue, certainement incomplète. On y retrouve l’école Àsìkò International Art School, la RAW Academy à Dakar, le Collectif 220 en Algérie ou encore l’association des photographes soudanais. Tous sont présents dans le dernier numéro d’Aperture.
L’intérêt porté aux photographies africaines gagne tant les populations de ce continent que le monde entier. Témoignages multiples de cet intérêt grandissant pour les arts africains, l’action de longue date du collectionneur Jean Pigozzi, la foire 1:54 à New York et Londres ou encore les nombreuses expositions consacrées à des artistes africains depuis deux ou trois ans (Malick Sidibé, Samuel Fosso, pour ne citer qu’eux).
Dans ce contexte mondialisé, il faut revenir aux artistes – ce qu’entend faire la présente édition. Une interview de Samuel Fosso offre aux lecteurs une meilleure compréhension des identités déguisées et remaniées par ce photographe-modèle. La photographe Jody Brand montre ses jeunes amis sud-africains, influencés dans leur style de vie par Internet et sa multi culturalité. L’article de Morad Montazami propose une étude fouillée et fascinante des initiatives photographiques nord-africaines. Parmi les photographes citées, Hicham Benohoud et sa série La salle de classe offre une vision poétique et sociale du système éducatif algérien. Et parmi d’autres photographes mis en avant, citons l’œuvre soignée du franco-ivoirien François-Xavier Gbré. Sa série Tracks s’ancre dans le palais de justice de Dakar, aujourd’hui abandonné.
Si l’Afrique a longtemps été « définie du dehors » (Jenna Whortman), par ses écrits publiés à l’époque coloniale, par ses représentations, mythes et clichés perdurant encore aujourd’hui, le numéro d’Aperture a pour mérite de chercher à comprendre l’expression artistique du continent depuis l’intérieur. Le lecteur gagne à comprendre cette vision plurielle des Afriques, faite notamment d’artistes aux sensibilités singulières.
Arthur Dayras
Arthur Dayras est un auteur spécialisé en photographie qui vit et travaille à New York, aux Etats-Unis.
Aperture Magazine #227
24.95 $