Dominique Issermann, légende de la photographie et pionnière des arts visuels en France, est l’invitée d’honneur de la 15e édition du Festival Planches Contact. Sur la plage de Deauville, elle présente jusqu’au 5 janvier 2025 une grande exposition intitulée NIVEAU ZÉRO. À cette occasion, L’Œil de la Photographie explore avec elle la relation singulière qu’elle entretient avec la Côte Fleurie, ainsi que sa vision personnelle et artistique de la photographie.
Vos liens avec Trouville-sur-Mer ont-ils participé à façonner votre œil, votre lumière, votre univers ?
J’adore travailler là. Les paysages sont à peine colorés, les ombres atlantiques, les nuages fuyants, le soleil couchant… Tout me plaît : attendre que la pluie s’arrête, que le soleil mette l’abat-jour… La lumière est si changeante, scintillante, elle éclate sur les rochers, les toits, les visages. Puis en un éclair de temps, tout devient gris, doux, ouaté. Le paysage semble dessiné à la plume sans relief, sans ombre. J’ai toujours eu de l’appétit pour ces lumières, et cet espace sans herbe, sans arbre. Un espace sans saison où je peux y jouer la pluie et le beau temps ? Trouville m’a sans doute appris la patience, l’optimisme, et la joie des illusions réussies.
Capturer l’essence de la beauté, est-ce avant tout une histoire de patience ?
Oui la patience, mais ce n’est pas la patience d’une traque ou d’une planque. C’est la patience mêlée d’abandon, en gardant l’œil assez ouvert pour viser juste avant que le moment magique ne s’envole sans bruit.
Comment parvenez-vous à faire émerger une émotion profonde et authentique dans un portrait mis en scène ?
Vous trouvez que la mise en scène est moins émouvante que la vie ? Que la mise en place compromet la spontanéité et l’innocence ? Vous seriez surprise de la densité des émotions qui affleurent dans le travail patient de la mise en place…
Quelle est la photographie la plus inattendue que vous avez prise ?
Aucune, je n’ai jamais eu ce sentiment.
Qu’est-ce qui fait selon vous qu’une image devient intemporelle ?
Une image ou un objet d’ailleurs qui a épaté votre arrière-grand-mère et continuera à émouvoir vos arrière-petits-neveux disséminés sur le globe, qui défie les vaillants coups de boutoir de la mode, du style, des sélections multiples et incessantes, du tri, des morales. L’image prend alors sa place sur l’étagère de l’humanité et devient à son tour un marqueur pour d’autres intemporelles. La vitrine d’une civilisation en somme.
Avez-vous pris toutes les photos dont vous rêviez ?
Non, j’aurais aimé photographier Brigitte Bardot, Marlon Brando, les statues de l’Île de Pâques, et les innombrables créatures qui m’ont émue profondément lorsque je les ai aperçues… Toutes ces apparitions, qui disparaissent comme des fantômes parce que je rêvais et que je n’ai pas sorti mon iPhone assez vite.
Qu’est-ce qui vous rend la plus fière au cours de votre carrière ?
Je ne suis pas fière, parfois heureuse.. et c’est déjà assez compliqué comme ça ! Mais enfin, peut-être la prochaine photographie…
Un entretien de Maïlys Derville
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