C’est notre collaboratrice Zoé Isle de Beauchaine qui est la commissaire de l’exposition Années 1930 et modernité : l’âge d’or des revues médicales qui met en lumière le lien entre le milieu pharmaceutique et la modernité photographique à travers trois publications : Art et Médecine, Mieux Vivre et Diversion.
Avant l’arrivée de la télévision puis des réseaux sociaux, les images dans l’entre-deux-guerres circulent principalement dans la presse et l’édition illustrées. Des périodiques comme Vu sont le symbole de ce nouvel usage, âge d’or de l’image imprimée et des jeux (typo)graphiques. Détail moins connu : l’industrie pharmaceutique a également pris part à cette révolution.
Trois revues françaises, Art et Médecine, Mieux Vivre et Diversion, financées et éditées par des laboratoires sont à cette période distribuées au corps médical. Leur but ? Promouvoir leurs produits. Leur particularité ? La médecine ou les médicaments n’y sont que peu mentionnés. Ces revues donnent la part belle à la littérature ainsi qu’aux grands noms de la photographie : Man Ray, Brassaï, Laure Albin-Guillot, André Kertész, Germaine Krull, François Kollar, … Plusieurs de ces « publi-rédactionnels » vont jusqu’à limiter le contenu médical aux seules pages publicitaires, pour privilégier des sujets littéraires, artistiques, humoristiques, touristiques, à destination des praticiens.
Art et Médecine, Mieux Vivre et Diversion se démarquent par la notoriété de leurs contributeurs autant que par l’élégance de leur maquette. Mise en page moderne, richesse des illustrations, qualité d’im- pression, ces revues rivalisent de créativité pour attirer l’attention des médecins. Chacune a sa spécialité : Art et Médecine, consacre chaque numéro à une région française, Diversion à un pays et Mieux Vivre à un loisir : le ski, les fleurs, le bain, la musique… Cette dernière se targue de réunir « les plus beaux documents photographiques choisis parmi les meilleurs […] avec le seul souci de leur attrait, dû à leur beauté, leur originalité, leur lumière, leurs contrastes, la puissance du mouvement enregistré. »
Les clichés s’étendent en pleine page, ou se répondent dans une mise en page recherchée, chez Diversion tout particulièrement où le graphisme est roi : à chaque numéro, une nouvelle typographie est imaginée pour coller à la thématique, faisant parfois fusionner image et texte. Cette créativité se poursuit au fil des pages dans lesquelles le collage se mêle au calligramme tandis que le dessin pro- longe la photographie.
Autre terrain d’expérimentation : la publicité. La photographie publicitaire, florissante, est alors produite par de nombreux studios spécialisés. Les périodiques pharmaceutiques donnent un aperçu du raffinement de chaque publicité qui épouse avec harmonie la publication et joue parfois la carte de l’humour, comme Mieux Vivre qui crée un dialogue facétieux entre ses ré- clames et la thématique de chaque numéro.
Si ces revues mettent en lumière le rôle inattendu de l’industrie pharmaceutique comme diffuseur de la modernité photographique, leur créativité visuelle est une source d’inspiration qui résonne encore de manière très contemporaine.
Zoé Isle de Beauchaine
Commissaire de l’exposition
Années 1930 et modernité : l’âge d’or des revues médicales
Salons du Doyen de la Faculté de pharmacie de Paris
PhotoSaintGermain
Ce texte est à retrouver dans le journal SIMONE publié par le festival PhotoSaintGermain.
Cette exposition a pu voir le jour grâce aux prêts généreux du musée Nicéphore Niépce et de la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie