Montage des immenses photos de Corinne Vionnet sur le mur de l’ambassade de France. Il fait chaud et les panneaux de trois mètres de haut sont posés en désordre contre la paroi. Le texte est perdu entre la Tour Eiffel et le pont de San Francisco, non loin de Stonehenge et de la Tour de Pise. Un jeune homme gare sa moto, descend, tenant son smartphone à bout de bras, demande gentiment l’autorisation de photographier – que nous lui accordons d’un sourire – et se précipite vers le texte avant d’enfourcher sa moto et de disparaître dans le flux dense de la circulation. Il avait été arrêté par les images, surpris sans doute par l’aspect insolite et pictural de ces monuments dont il reconnaissait certains – Angkor Vat, créé spécialement par l’artiste pour le festival, sans nul doute – mais ne comprenait pas de quoi il s’agissait. Alors, il a photographié le texte et sait désormais que chaque image concentre une centaine de vues glanées sur Internet, le point de vue “ordinaire” et toujours répété que les touristes envoient à leurs proches.
PhotoPhnomPenh, c’est aussi cela, cette présence des images dans l’espace public, cette proposition d’énigmes et d’émotions croisées accompagnées de courts textes pour aider à les approcher. Et c’est essentiel dans un pays où aucun enseignement à l’image ni à la photographie n’est réellement proposé.
Si l’ensemble consacré, à l’Institut français du Cambodge, aux quarante ans de l’entrée des troupes de Pol Pot dans la capitale propose trois esthétiques interrogeant les relations entre mémoire, Histoire et photographie, celles-ci entraînent mille questions de la part des étudiants des cours de français qui le traversent chaque jour. Questions aux photographes durant l’accrochage, discussions entre eux – et en touchant les tirages … – à l’interclasse. Les mêmes questions que pose aujourd’hui Nissa, 15 ans, à son père Mak Remissa, qui avait 7 ans en 1975 et a reconstitué avec des papiers découpés les scènes d’évacuation de la ville qu’il a vécues avec sa famille, puisque les Khmers rouges ont vidé tous les centres urbains.
Ce qui est impressionnant, cette année, c’est l’existence de l’Association cambodgienne qui organise désormais le festival. Les volontaires sont nombreux, étudiants, jeunes photographes, mais aussi de vraies compétences en communication, graphisme, organisation. Un groupe s’est structuré, se répartit les tâches, anime sans cesse la page Facebook qui voit le nombre de followers augmenter chaque jour, participe aux accrochages, mobilise les copains, pose les affiches, file acheter du petit matériel, lance des idées. A l’évidence, le futur de PPP est là, qu’il faudra doter de moyens financiers, mais qui est pris en mains par des Cambodgiens mobilisés, qui savent ce qu’ils veulent, qui donnent une vraie renaissance au projet.
Quelles qu’aient pu être les difficultés, quelles qu’aient pu être épuisantes les étapes jusqu’à l’ouverture, c’est un sentiment d’accomplissement, grâce aussi à l’engagement de la majorité des salariés de l’Institut français, impliqués depuis longtemps dans le festival. Et le temps, idéalement doux, accompagne jusqu’à la tombée de la nuit les images qui font un clin d’œil aux passants sur le quai Sisovath, au bord du fleuve. On est bien.
FESTIVAL
PhotoPhnomPenh 2015
Jusqu’au 28 février 2015
Institut français du Cambodge
218 rue 184 – Phnom Penh
Cambodge
+855 (0)23 213 124 / 125
[email protected]
http://ppp.institutfrancais-cambodge.com