L’exposition « Transitions. Ten years that transformed Europe » curatée par Alexis Fabry et Maria Wills est un élément central du dispositif imaginé par Maria Garcia Yelo.
Couvrant la période entre 1979 (élection de Margaret Thatcher) et 1989 (chute du Mur de Berlin) cette décennie devenue emblématique d’une utopie malmenée est analysée à travers le prisme de grands photographes : Anglais pour la plupart (Chris Killip, Graham Smith, Martin Parr, Paul Graham, Peter Fraser) mais aussi allemands de l’école de Dusseldorf et suiveurs (les Becher, Candida Hofer, Axel Hütte, Thomas Ruff,.. ) dans un style rigoureusement documentaire où la question de la frontière physique et conceptuelle est au coeur de la vision et de la pratique. Ce vaste panorama s’achève avec les sublimes séries de Boris Mikhaïlov en Ukraine, dans la zone de Chernobyl (Salt Lake) et dans les rues de Kharkov enveloppées de bleu (At Dusk). Fragiles témoignages d’un monde qui n’est plus.
L’artiste contemporain Federico Clavarino (CBA, sous-sol) à travers son installation The Castle part sur les traces des signes et des prophéties des grands mythes fondateurs de l’Europe et leur capacité à insuffler du sens de nos jours, dans un dédale en 4 chapitres que nous sommes invités à traverser.
« Transitions. 10 ans qui ont transformé Europe »
& Federico Clavarino, The Castle
Jusqu’au 25/09/2016
Círculo de Bellas Artes
Calle de Alcalá, 42, 28014 Madrid, Espagne
http://www.circulobellasartes.com
L’autre grand volet de cette affaire européenne est « Le portrait européen photographique depuis 1990 » exposition co-produite par le Fotomuseum des Pays Bas, le Bozar de Bruxelles et le musée de photographie Thessaloniki de Grèce. Visible au Centro Centro cette version espagnole condensée par rapport à la version belge en ressort intensifiée. Dans la grande tradition du genre du portrait, les 33 photographes sélectionnés posent la question de l’intime et de l’individuel sur fond d’histoire universelle. Denis Drazacq, Alberto Garcia-Alix, Luc Delahaye, Clare Strand, Paola De Pietri, Juergen Teller, .. nous tendent un miroir où l’empathie et la distance juste se le disputent.
« Le portrait européen photographique depuis 1990 »
Jusqu’au 28/08/2016
Centro Centro
Plaza Cibeles, 1, 28014 Madrid, Espagne
http://www.centrocentro.org
Parmi les autres propositions marquantes sur cette thématique, plusieurs adoptent un point de vue original, dont l’approche du couple d’artistes allemands Andrea Robbins & Max Becher (musée ICO), photographes mais aussi chercheurs et anthropologues.
Ce sont 25 ans de carrière professionnelle qui se déroulent dans les espaces du musée ICO, autour de la dichotomie local/global à travers leurs séries emblématiques : Black Cowboys, The Exile Brands, Venice/Las Vegas, Global Village, … Utilisant la photographie mais aussi la vidéo, leurs recherches à l’ère du digital nécessitent de la part du regardeur une vision active.
Robbins & Becher. Déplacements
Jusqu’au 11/09/2016
Fundación ICO
Calle de Zorrilla, 3, 28014 Madrid, Espagne
http://www.fundacionico.es
Voici d’autres projets annexes dont la liberté de ton et la singularité méritent d’être soulignés :
Andrzej Tobis : A-Z dictionnaire illustré
Ce projet prend ses racines dans l’organisation d’un dictionnaire allemand polonais datant de 1954 dans l’ex RDA, une utopie en soi pour résumer la pensée de l’artiste polonais qui en souligne la rationnelle subjectivité et décide d’en questionner l’impact visuel et linguistique à des fins de propagande à l’époque. Pour cela il met en place son propre système de classification du langage, illustré par la photographie. Cette base de données en perpétuelle évolution compte à présent quelque 550 entrées. Au-delà de la distorsion suggérée dans cette entreprise totalement inédite entre signifiant et signifié, les 70 vues de Pologne avant et après le Communisme apportent un éclairage évident sur cette partie de l’Europe perçue comme lointaine pour les Espagnols ou gens du sud. Il s’en dégage une nostalgie très « mitteleuropa ».
Andrzej Tobis : A-Z dictionnaire illustré
Jusqu’au 28/08/2016
Musée Lazaro Galdiano
Calle de Serrano, 122, 28006 Madrid, Espagne
http://www.flg.es
Autre projet à l’est, le photographe tchèque, Miroslav Tichy (musée du Romantisme), figure rebelle et inclassable, longtemps persécuté par le régime Communiste.
Le musée du Romantisme lui rend hommage à travers une élégante exposition centrée sur sa vision de la femme, muse et incarnation inatteignable. Au départ peintre, Miroslav Tichy décide de se lacer dans la photographie en créant ses propres appareils à partir de matériaux qu’il trouve dans la rue. Sa vie de reclus et de marginal, entre la prison et l’hôpital psychiatrique, dans des conditions de grande précarité ne l’empêche pas d’être le témoin des transformations de sa ville natale de Moravie qu’il ne quittera pas. Dans des tonalités sourdes et grises, ces formes floues et sensuelles dégagent une poésie brute immédiate, soumise aux aléas du hasard et des accidents.
Miroslav Tichy ou la célébration du processus photographique
Jusqu’au 28/08/2016
Musée du Romantisme
Calle San Mateo, 13, 28004 Madrid, Espagne
http://www.mecd.gob.es/mromanticismo/
Last but not least, l’artiste grec Yannis Karpouzis (prix Découverte PH2015) et son exposition « Parallel crisis » au centre d’art d’Alcobendas. Le temps immobile et suspendu comme l’un des effets corollaires de la crise en son pays interroge aussi la nature et le processus photographiques. Ces images d’isolement et de silence soulignent la progressive négation du temps social et le délitement à l’oeuvre. Retenir le temps, une entreprise vouée à l’échec et qui pourtant ici trouve une écriture singulière toute en retenue et en sobriété d’un drame qui se noue.
Yannis Karpouzis Crise parallèle
Jusqu’au 18/06/2016
Centre d’art Alcobendas
Calle de Mariano Sebastian Izuel, 9, 28100 Alcobendas, Madrid, Espagne
http://www.centrodeartealcobendas.org