Photographe britannique, Paul Hart explore depuis plus de dix ans notre lien à la terre, au travers de photographies sans le moindre humain en vue. Il se penche sur des régions spécifiques, qu’il photographie au fil des ans. Du 17 au 20 mai et à l’occasion du festival Photo London, la Photographers’ Gallery expose l’une de ses séries, qu’il a baptisée Truncated.
Des siècles de défrichement et de culture ont érodé nos forêts. Là où l’arbre était autrefois omniprésent, il ne reste plus guère de territoire boisé, hormis quelques îles éparses, dans un océan de terre surexploitée. Ce qui subsiste au sein de ce paysage fragmenté demeure toutefois en grande partie indifférent à notre monde moderne.
Bien qu’elle dorme en hiver, la forêt est une entité on ne peut plus vivante – qui plus est, particulièrement incongrue. Lorsque l’on y pénètre, notre façon de concevoir le temps semble se modifier. Ici, le vent se calme, le bruit semble étouffé, la température change, la lumière est renvoyée, tamisée.
Dans ce lieu spirituel, chargé d’atmosphère, on se sent comme à l’intérieur d’une cathédrale. Ici, nos émotions évoluent entre une impression rassurante de sécurité et celle d’une troublante fragilité. L’essence de cet esprit a certainement inspiré les toutes premières structures païennes et religieuses. Avec ses colonnes de troncs et sa canopée qui obstrue les cieux, la forêt est bien plus qu’un havre au sein du paysage grand ouvert. Elle est architecturale.
Il ne fait aucun doute que ce lieu naturel et ancestral ne fasse plus partie intégrante de l’âme humaine. Malgré tout, lorsque l’on se retrouve parmi les arbres, l’on peut encore ressentir quelques traces fugaces de son esprit primitif. Plus on s’enfonce dans les bois, et plus son appel, presque magnétique, se fait insistant. Il est possible que cette impression provienne du fait qu’ici, il y a toujours quelque chose de caché à nos yeux, quelque chose que l’obscurité et les arbres nous dissimulent. En outre, ce sanctuaire d’apparence immobile peut se transformer sans autre explication. La sensation de protection que dégage cet univers peut se muer en hostilité, comme un piège prêt à se refermer. Semblables à des sentinelles, les arbres se dressent tandis que leurs congénères se pressent en rangs serrés, tels une armée surgissant dans la nuit.
En posant le pied dans la forêt, on se risque dans l’inconnu et son clair-obscur mouvant trompe nos sens. Et c’est cela qui la rend si séduisante. Elle est secrète, mystérieuse, précieuse…
Paul Hart
Le photographe Paul Hart vit et travaille à Londres. Sa dernière série, Drained, sera publiée en octobre 2018 par Dewi Lewis, avec des textes de Francis Hodgson.