Concours photo, le retour ! À chacun son opinion. Mais tout de même, restons polis…
Tous les ans à cette époque, j’écris une nouvelle version de l’histoire : l’heure a de nouveau sonné pour les résultats des concours photo. Et comme tous les ans, il faut gérer les mêmes jérémiades interminables : on se plaint de tout, des jurys non diversifiés aux images qui font trop newsy – ou au contraire pas assez.
Naturellement, chacun y va de son opinion sur les gagnants ! Ah misère. Vous connaissez le dicton sur les opinions ? Non ? Les opinions, c’est comme le derrière. Tout le monde en est pourvu. Et si vous ne devez garder qu’une seule chose de cet article, retenez donc ceci : personne n’a envie de voir votre derrière en public !
Par conséquent, avant de vous lâcher sur Twitter, merci de réfléchir au ton de ce que vous allez poster et de penser à vos manières.
Bien-sûr que nous avons tous un avis et oui, nous avons le droit de le faire valoir. Je ne vous demande en aucun cas de ne pas vous exprimer. Je soutiens votre droit le plus absolu de le faire. Pourtant, ce qui a cours me perturbe et me navre au plus haut point. Sommes-nous donc incapables de rester courtois, lorsque nous exerçons ce droit dans les réseaux sociaux et ailleurs ? Mettre à mal les juges ou les images qu’ils ont sélectionnées n’apporte rien. Alors qu’on peut gagner tellement plus en ayant un dialogue constructif, sans qu’il consiste à réfuter le jugement de ses semblables. Dans notre secteur, on en est venu à dévorer les nôtres, c’est du cannibalisme pur et dur !
En général, les grands du monde des concours, à savoir World Press Photo, POYi, le BOP de la NPPA et autres, se débrouillent bien et sélectionnent des jurys diversifiés à tous points de vue. Il serait donc judicieux que l’on manifeste un peu plus d’indulgence envers les juges. Qui sont nombreux, notons-le, à donner de leur précieux temps pour rendre à notre industrie ce qu’elle leur a généreusement donné. Pour ma part, je les applaudis.
Malgré tout, retenez également ceci : on donne bien trop d’importance aux concours de photographie. Lorsque tombent les résultats, demandez-vous ce qu’ils signifient pour vous, personnellement. Comment ces résultats vous affecteront-ils ? Allez-vous changer votre façon de penser ? Ou de photographier ? Et je vous en conjure, gardez-vous du pire : ne commencez pas à pratiquer dans le but de passer des concours…
Le résultat ne signifie pas que les photos choisies sont meilleures que les vôtres ou que celles de quiconque. Il signifie tout simplement que pour ces juges-là, ces photos-là étaient les meilleures qu’ils aient vues dans ce concours-là. Point. Le résultat n’implique aucunement que directeurs photos et acheteurs vont se ruer chez les gagnants pour passer commande. Il annonce simplement qu’ils ont été officiellement reconnus par leurs pairs, ce dont ils peuvent être fiers.
Cela donne aussi de quoi se vanter sur son site web et certains photographes estiment que c’est utile, côté marketing. Mais faites-moi confiance : le fait de remporter – ou de perdre – un concours photo ne fera rien pour votre carrière, ni pour, ni contre. Je peux vous dire qu’en quarante ans passés à confier des missions à des photographes, je n’en ai pas choisi un seul pour sa victoire dans un concours.
Un concours photo sera toujours subjectif. Ce que l’on juge, dans ces occasions, est en grande partie basé sur l’émotionnel, assaisonné d’une poignée d’éléments factuels. Pour la plupart, les juges vous diront qu’ils ont choisi les vainqueurs pour ce qu’ils ont ressenti. Feu Eddie Adams a dit un jour qu’une bonne photo, « c’est celle qui vous prend à la gorge et vous bouleverse ».
Par ailleurs, le domaine des concours de photo évolue, comme le font tous les univers compétitifs. Parfois, nous verrons des images victorieuses qui incarnent l’espoir – ce qui n’arrive pas assez souvent, à mon humble avis. D’autres illustreront le désespoir, ou le visage immonde de la guerre. Tel est notre monde, et certains juges attachent de l’importance et des valeurs à l’actualité, aux réalités socio-économiques ainsi qu’aux grands problèmes auxquels l’humanité se trouve confrontée. Nous vivons en des temps particulièrement troublés, et je ne suis pas surpris que tant de photos le reflètent.
Je vais en terminer, si vous le voulez bien, avec une analogie et un dernier commentaire. Pensez au concours Miss America, dont la première édition eut lieu en 1921. Concept : juger la beauté. Et quelqu’un a dit « attendez un peu – on va les mettre en maillot de bain, ce sera mieux pour juger leur beauté. Et on va leur demander de nous montrer qu’elles ont des talents, parce que si elles peuvent jouer du violon et être jolies, c’est encore mieux ! »
Je doute fort que ce type de « critère » survivrait de nos jours. Et tant mieux ! Un concours photo n’a rien à voir avec celui du plus gros mangeur de hot-dogs, où l’on est jugé sur la quantité. Et même pour ce type d’événement, il arrive que le vote majoritaire, ou populaire, ne détermine pas la victoire.
Tout concours basé sur le jugement doit être pris à sa juste valeur : on est le meilleur, de l’avis d’éminences du secteur, des personnes à qui l’on a demandé de travailler avec leurs collègues et de donner un classement de ce qu’elles ont vu. Cela ne va pas plus loin.
Mon dernier commentaire : je compare souvent les concours au jus de cuisson. Il est fort agréable d’en avoir sur sa purée. Encore faut-il avoir des pommes de terre. Le seul concours qu’il convient de gagner est celui où l’on se juge soi-même. Ai-je fait du mieux que je le pouvais ? Me suis-je comporté de façon professionnelle et éthique ? Suis-je content du résultat ? Ai-je appris quelque chose qui m’aidera dans le futur ? Si vous répondez oui, alors vous remporterez toutes les victoires.
Jim Colton
James K. Colton est éditeur chez ZUMA Press et rédacteur en chef de zPhotoJournal.com. Il a démarré en 1972 en tant que responsable photo couleur chez Associated Press avant de rejoindre Newsweek comme directeur de la photographie, puis de prendre en charge le service photo de Sports Illustrated. Il siège au conseil d’administration du Eddie Adams Workshop.