C’est un coup de foudre et un orgasme de 96 heures que vient de vivre notre collaborateur Thierry Maindrault sur le festival photographique de l’Aubrac, Phot’Aubrac 2021, qui vient de se dérouler ! Et effectivement, tous les participants affirment la même joie, le même enthousiasme ! C’est formidable ce plaisir affirmé et ce retour nostalgique à l’émotion des premiers festivals photographiques. Il est vrai qu’en plus, cette région est sublime !
Jean-Jacques Naudet
Texte par Thierry Maindrault.
Extraordinaire ! Fabuleux ! Exceptionnel ! Superbe ! que d’exclamations prononcées à l’unanimité tant par les exposants que par les visiteurs de ce Festival pas comme les autres. Dans notre Monde de faux semblants vous penserez qu’il s’agit d’un enthousiasme du moment après quatre jours vraiment différents. N’en croyez rien, les «je serai là l’année prochaine confortait l’emballement», «c’était ma quatrième fois et je ne m’en lasse pas», «vous ne trouverez cela nulle part ailleurs». Je ne vous cite pas des exposants, -ténors compris-, qui se promettent d’être présents en 2022. Doit-on évoquer tous ces photographes exposants des années précédentes qui étaient sur place en visiteurs pour participer, pour échanger, pour communier avec ce site naturel, avec les hôtes, avec les collègues dont les œuvres s’affichaient sous les regards du public. Un festival, comme son nom l’indique, c’est une fête pour tous et non pas un écheveau emmêlé de contraintes normatives, temporelles et trop souvent financières qui délaie le plaisir quant il ne l’abolit pas tout simplement. Tous nos festivals sont devenus des lieux où l’important est devenu le plan de carrière des organisateurs et des exposants ainsi que l’endroit où il est bon d’être vu pour ce qui concerne les visiteurs. Tout ce petit monde oublie qu’il peut y avoir des œuvres présentées et des échanges autres que les litanies pontifiantes et disproportionnées qui sont accrochées avant même de pouvoir découvrir la créativité et les capacités des auteurs.
Il est impossible de vous relater tout ce qui peut se passer lors de ces fameux quatre jours, d’autant que je vais revenir plus largement sur de nombreuses photographies exposées (la photographie reste le socle incontournable des activités). Je vous propose quelques touches de mon séjour qui je l’espère vous entraîneront dans ce tourbillon purificateur.
Nasbinals est le point central de ralliement au centre du plateau de l’Aubrac, moyenne montagne dans le Sud du Massif Central. Cela semble perdu car il n’y a pas de TGV, d’aéroports, de tours monumentales, de périphériques ; et pourtant, les routes sont agréables et très bien entretenues, les papiers, plastiques et autres canettes ne traînent pas dans les fossés, la fibre optique arrive, le commerce est dynamique. En résumé, c’est pas parce que les « Métropoles » sont éloignées que vous seriez dans le Tiers Monde. Seule préoccupation, l’hébergement, car ces lieux sont des étapes sur le «Camino de Saint Jacques de Compostelle» ce qui veut dire beaucoup de chambres mais assez peu de disponibles. Pas trop de soucis, de nombreux photographes sont de grands nomades ce qui attire une nuée de camping cars de toutes tailles, de la simple voiture aménagées jusqu’au camion appartement avec sa remorque pour les vélos, barbecue et autres gadgets.
Avant même d’arriver au quartier général, la bonne direction est confortée par ces grandes photographies sur bâches installées en plein pâturages, sur les murs des maisons, sur les grilles des bâtiments publics, lorsqu’elles ne font pas une haie d’honneur sur le parvis des églises. Il faut préciser que dans le rayon de 25 kilomètres c’est le festival.
Le mercredi soir qui précède l’ouverture est réservée exclusivement aux photographes, aux exploitants des lieux d’exposition et aux bénévoles. Pour les petits nouveaux, dont je suis, il faut bien s’initier au rythme et à l’ambiance. Rien de spécial, une longue conférence de Arnaud Guérin pour se mettre en jambe avec ses anecdotes de vulcano-photographe, suivi d’un très beau diaporama qui décoiffe préparé par Alain Ernoult avec toute la classe et la compétence qui l’auréole. Impeccable, le maître incontesté de la photographie aérienne a su garder les pieds sur terre (je me demande comment !) pour se montrer tout aussi performant comme créateur dans la valorisation de notre Nature. Sympathique dîner buffet offert par l’organisation, je me retrouve assis à coté de Maurice Subervie, la tour de contrôle de la communication et helléniste brillant, en face de Kyriakos Kaziras avec qui nous avons fait et refait le tour du Péloponnèse des années 60 à ce jour. A onze heure trente, tout le monde s’éparpille, la salle est déjà « nickel », aucun doute le back office assuré par une équipe de bénévoles est impeccable et organisé au millimètre.
Jeudi le petit déjeuner est prévu à partir de 08 heures, chez Nathalie et Philippe, la fée (responsable opérationnelle omniprésente et hyper compétente du festival). Une table rallongée couverte de pains au chocolat, de fouaces, de confitures, de fruits et le café est déjà chaud. Les bénévoles de la fermeture d’hier sont déjà actifs, il faut bien préparer le pique-nique du midi prévu dans une ferme à une quinzaine de kilomètres. Mon circuit commence, accompagné de Thierry Sribny qui assurera la majeure partie des photographies d’ambiance. Sur le chemin les camping cars s’ébrouent (enfin plutôt leurs occupants) et puis commence la tournée des étables spécialement préparées, des églises aménagées et autres mairies. Il y a de la photographies partout dans la zone, en extérieur comme en intérieur. Astuce pertinente : de nombreuses photographies sont sur des bâches en extérieur et les originaux authentiques sont en intérieur. Les bâches des années précédentes sont également réinstallées dans les prairies, sur les bords des chemins et des routes, dans les entrées des exploitations agricoles. Belle symbiose qui nous conduit directement au fameux pique-nique sur un spot d’exposition. Une « bricole » que la restauration d’une centaine de personnes, auxquels s’invitent des visiteurs de passage et quelques pèlerins qui reprennent un peu de force et de communication avec la société. L’après midi de visites se termine par les conférences et par un buffet sous une nouvelle tente installée dans les jardins de l’hôtel de la ville. Cet apéritif dînatoire est offert par la municipalité et par les commerçants de la ville. Qu’ils en soient remerciés pour la qualité gustative des produits locaux et par l’opportunité de refaire le Monde de la Photographie sous ce chapiteau, sans éclat de voix. Il n’expose pas cette année mais Hans Silvester vient d’arriver, l’un des parrains est bien là. La fatigue gagne, il ne reste encore que trois jours pour voir toutes les photographies, il est temps d’aller fermer les yeux.
Vendredi huit heures petit déjeuner, repetita de la veille, puis départ pour Aubrac et son Annexe célèbre avec une belle exposition dans son cocon du premier étage avant de se retrouver dans l’église pour célébrer les images du terroir. Mon circuit passe par Laguiole investie par Alain Ernoult, le retour se fait par Saint Urcize et ses quatre expositions dont les œuvres primées par Image sans Frontière accrochées dans la forge de la ville. Après les conférences du jour, le dîner avec le retour dans une étable de Montgros pour la traditionnelle saucisse de l’Aubrac et son Aligot, partagés par plus de deux cents convives librement répartis pour des échanges amicaux. L’ambiance monte d’un cran, notre Fée du festival confirme ses talents multiples de meneuse de festival et arrive à faire danser entre les barres de stabulation et les rangées de tables. Nathalie vient de gagner ses galons de Fée Zébulon, ce personnage monté sur un ressort et organisatrice gestionnaire hors pairs. Cette fois le couvre feu de minuit ne sera pas tenu.
Réveil du samedi un peu brumeux, normal en Aubrac, mais petit déjeuner à 08 heures. Un bel exposé du délicieux Robin H. Davies sur son parcours photographique très atypique qui se termine dans le monde de la musique classique, un régal ! C’est pas tout Bernard Bastide, le maire et son discours, m’attendent, cet édile était présent en permanence depuis mercredi soir, mais, pas de panique, les discours pouvaient attendre ce samedi, le point d’orgue. Pas de tralala, c’est sobre et authentique dans la cour de la mairie, sous la tente à coté et dans le jardin c’est séance de dédicaces. J’aperçois Hans Silvester derrière une table, il n’expose pas, juste quelques livres annotés pour les admiratrices fidèles à cette figure incontournable de ce festival. Pas croyable, après les discours pas de vin d’honneur pompeux, juste un vrai casse croûte installé par les bénévoles sur le muret d’entrée de la Mairie. Chacun vient à son rythme, pas de bousculades, pas de panique, on trinque avec un gobelet Phot’Aubrac plein de l’aoc Marcillac voisine. L’après midi un tour des expositions dissimulées et le temps se gâte, la pluie nous arrose abondamment le temps d’arriver à l’immense tente des conférences. Le maître Kyriakos Kaziras sévit et chauffe l’ambiance au fur et à mesure que le déluge martèle la tente. Il termine sa conférence en parlant photographie, de la photographie, de l’apprentissage et du savoir faire (des paroles d’or) ; mais, plus personne (ou presque) n’écoute, il termine sous les ovations. Il est temps de se glisser au dîner de gala, deux cents personnes installées autour d’une grande piste de danse, le dîner de produit régionaux est très correct pour un prix accessible à tous, les boissons à volonté. L’ambiance inimaginable démarre vers 21 heures 30, avec Louigi au micro et à la guitare. Ce très bon chanteur intarissable sur tous les répertoires de Claude François à Dire Straits et de Pink Floyd à James Brown, en passant par toutes les chansons latino, il ne marquera aucune pose jusqu’à 3 heures du matin, ou il cessa faute de danseur. J’étais un peu déçu on m’avait promis du 5 heures comme l’année passée. Après un sans faute dans son exposition, un plébiscite à sa conférence, à la demande générale Kyriakos Kaziras dut montrer ses talents de danseur sur un Sirtaki d’ouverture. Malgré l’assistance de trois de ses confrères de renom, il est clair que nous seront là l’année prochaine pour mesurer les progrès de la brillante équipe. Loin d’être en retrait le président Jean Pierre Montiel a beaucoup donné de sa personne pour assurer le maintien du rythme avec notre infatigable Fée Zébulon, ses deux pieds sur la piste (enfin façon de parler ils étaient le plus souvent dans les airs), un doigt en l’air pour le tempo, l’autre pour désigner dans la salle les problèmes naissant à résoudre et un œil sur chaque table pour s’assurer que tout était en ordre. Mille mercis à cette belle équipe de bénévoles et ses animateurs qui nous démontrent qu’il est possible de faire beaucoup mieux et bien moins cher qu’ailleurs. Je divague, il est temps de se coucher.
Dimanche, c’est déjà le jour de clôture ; pas possible … déjà ! C’est certain à 17 heures le signal du décrochage et chacun rentrera chez lui. Pas de précipitation, à midi un apéro sur la place de l’église-mairie de Marchastel, avec un groupe local de rock, pas ringard pour deux sous. La pluie glacée casse un peu une ambiance très enjouée. Les quelques photographes qui ont déserté leur exposition pour cet apéritif intriguent déjà pour savoir si l’on voudra bien d’eux l’année prochaine, les plus diplomates tentent astucieusement leur chance pour une fois tous les deux ans, en confirmant leur présence comme simples visiteurs pour la prochaine édition. Il est temps de courir revoir mes derniers doutes, de passer au centre névralgique pour le départ de Kyriakos Kaziras – un peu ébêté – qui se demande encore si cela existe bien, ce rêve de 04 jours qu’il veut absolument recommencer l’année prochaine (avec entre temps un entraînement assidu au Sirtaki j’imagine). Tout le monde parti, Jean Pierre et Maurice ont prévu un petit dîner entre nous de 6 à 8 personnes chez Bastide pour faire le point et décompresser. Il semblerait qu’un petit groupe de photographes ait réservé également une table. A 23 heures, nous sommes plus de trente à finir de dîner dans une salle pour vingt, où la serveuse ne pouvait même plus circuler.
Lundi matin à 7 heures, les derniers sont attablés au bar pour un petit déjeuner, cette fois c’est bien terminé la route nous attend.
Vous me trouvez un peu long et pourtant, je ne vous conte que le dixième de cette manifestation qui se déguste pour en comprendre le sens et l’apprécier dans le temps. Je vous accorde que c’est beaucoup de texte pour quatre jours alors qu’une dizaine de lignes suffisent amplement pour de nombreuses manifestations de plus de deux semaines. Généreux agriculteurs de l’Aubrac et vos amis, ardents défenseurs de la création et du travail photographique, surtout ne changez rien sur le fond et prenez garde à la modernisation de la forme (pourquoi pas ?) qui doit être prudente et réfléchie. Beaucoup de vos prédécesseurs ont perdu leur âme et leur spécificité stupidement (ce qui est le propre de toutes aventures humaines).
Vivement Phot’Aubrac 2022.
Thierry Maindrault