Crédits photo : Phan Phearith et Uy Nou Sereimony.
Le changement climatique est effectif : la saison des pluies a duré jusqu’au 27 novembre, un jour plus tard que la date d’ouverture de Photo Phnom Penh l’an passé, alors que c’était la date la plus tardive de nos cinq ans d’existence. Maintenant il fait chaud, trop pour la saison dans la journée, mais les soirées sont délicieuses.
Jusqu’au dernier moment – mais cela finit par devenir habituel – des doutes ont subsisté en ce qui concerne la disponibilité des lieux, dont la Grande Galerie de l’Université Royale des beaux-arts où doit se tenir l’exposition anniversaire des cinq ans, regroupant les 76 photographes – dont un tiers de cambodgiens – qui ont participé au festival depuis 2008. Le stress se relâche depuis que l’autorisation est confirmée, au dernier moment, et il ne reste plus qu’à attendre que des travaux imprévus soient terminés pour pouvoir disposer les cent tirages de l’exposition. Nous poserons les légendes quelques heures avant le vernissage…
Venu à l’avance, Georges Rousse, qui avait déjà réalisé deux visuels en 2008 alors qu’il effectuait une résidence dans la capitale cambodgienne à l’invitation du Centre Culturel Français avant que PPP ne soit créé est de retour. Il a investi une architecture typique des années soixante-dix et la magie rouge de son intervention, carré et rond associés, nous offre un magnifique logo anniversaire qui intègre les deux cent mètres – sur trois mètres de haut – de sa petite rétrospective sur le mur de l’ambassade de France et accueille les visiteurs à l’entrée de l’Institut Français du Cambodge. Dès l’installation, les tuk-tuks s’arrêtaient, les motodops faisaient une pause et s’interrogeaient sur ces illusions d’architecture colorées qui fait ralentir le flot incessant des voitures.
Il en est de même sur le quai Sisovath où les trois grandes cimaises présentant les travaux d’Isabel Munoz – le Ballet Royal du Cambodge -, Adrian Fernandez Milanes – fleurs et fruits artificiels pour propos décoratif dans son Cuba natal, plein d’humour – et le jeu de rôles inventé par Dareth Rosaline qui a demandé à hommes femmes et enfants de tous âges de porter une de ses robes à rayures oranges et noires provoquent de petits regroupements et force commentaires ou rires quand la chaleur tombe et que les familles ou les groupes de jeunes se retrouvent là. Aux heures plus chaudes, ce sont plutôt les touristes qui se photographient devant les installations.
Le projet « Inside Out » de JR investit peu à peu la ville, mobilisant les habitants, des lieux chics comme le bel hôtel de La Plantation au quartier populaire près de l’ancienne église catholique aux ruelles évoquant un village en passant par les enfants de l’ONG ASPK qui se sont bien amusés. Tous en noir et blanc et sur fond à gros points de trame, ils aiment leur portrait et s’approprient, même s’ils n’iront souvent pas voir les expositions, cette partie du festival dont ils sont partie prenante.
Si l’on ajoute les projections magiques de Clément Briend sur les murs et les arbres dans la nuit de Phnom Penh, on verra que le festival arrive à se développer dans l’espace public, gagnant la confiance de la municipalité qui accorde les autorisations, un peu lentement parfois, mais les accorde.
Dans les salles privées qui nous accueillent comme toujours généreusement, européens et asiatiques assument leurs écritures, leurs différences et leur complémentarité. Cette dimension est particulièrement visible à l’Université Royale de Phnom Penh dans le « Dôme » ample élégant conçu par Van Molyvan qui accueille six expositions. Espace stratégique, au plus près des 19 000 étudiants qui sont sur le campus et qu’informent en permanence les médiateurs qui les accueillent et répondent à leurs questions.
Pendant longtemps, nous n’avons pas su cette année si, en raison du deuil royal de trois mois faisant suite à la disparition de Norodom Sihanouk dont la crémation n’aura lieu que le 4 février, nous pourrions intervenir dans l’espace public. Nous ne savions pas, surtout, si nous pourrions faire voguer nos « bateaux image » qui passent obligatoirement près du Palais Royal où repose la dépouille de l’ancien chef d’état et père de l’indépendance. Nous y sommes très attachés et ils font partie de l’identité et de la magie du festival. Ils pourront finalement suivre les rives du Tonlé Sap, pendant deux nuits seulement, les 7 et 8 décembre, pour des raisons budgétaires. Pour s’associer à l’émotion et au deuil du peuple cambodgien qui vient toujours signer les registres de condoléances devant le palais et défiler – en groupes organisés – devant le catafalque, le premier bateau sera consacré à cette actualité du deuil au travers du regard de trois photographes, Kim Hak, John Vink et Philong Sovan. Cela ne contrebalancera certainement pas l’absence notable de la France dans l’hommage à Norodom Sihanouk, d’autant plus mal comprise ici que François Hollande n’a pas fait le déplacement alors qu’il était à Vientiane, à moins d’une heure de vol, et que, en l’absence d’ambassadeur , nous sommes aux abonnés absents. Ce n’est pas le cas des chinois…
Alors que l’on attend deux millions de personnes pour la cérémonie de crémation qui aura lieu sur un imposant édifice en construction entre la Palais et le Musée National, alors que les jeunes viennent en masse se recueillir, faire des offrandes ou simplement acte de présence, il nous semblait important de simplement signaler que nous avions pris acte de cela et du fait que des photographes témoignaient de cette émotion.
Christian Caujolle
Photo Phnom Penh festival
Du 8 au 13 décembre 2012
Phnom Penh
Cambodge