Amoureux de Belle-île-en-mer, l’homme s’est fait une spécialité d’en révéler toute la beauté. Après vingt-cinq années de travail, il publie un nouvel ouvrage.
Son œil impérieux se dresse. Il vient de repérer une étrange courbe noire sur le dos d’un rocher : c’est un cormoran qui prend soudain son envol. « Il est agile », dit Philippe Ulliac, son appareil photo à la main, traquant comme à son habitude les peuples marins de l’ile. Il nous a conduit là où il aime venir pour prendre en photographie des tempêtes. « Regardez, la houle n’est pas très haute aujourd’hui et déjà ça tape un peu, alors vous imaginez les jours de tempête ! », lance-t-il et d’ajouter, sur le ton de la confidence : « une fois, nous avions pris un hélicoptère et nous nous étions mis à une relative basse altitude. Ce jour-là, dans la mer, la houle atteignait 15 mètres de haut! Vous vous rendez compte ? Quand les vagues arrivent sur les rochers je vous laisse voir l’explosion que ça produit, c’est époustouflant ! »
Époustouflant à tel point qu’il ne manque aucun spectacle qu’offre l’océan déchaîné. « C’est assourdissant quand ça tape à flanc de falaise, vous n’imaginez pas ! ». En sortent des photographies saisissantes dans lesquelles le petit phare de la pointe des Poulains, au nord de l’île, semble noyé parmi les flots et les explosions des vagues sont si puissantes que nous avons l’impression d’un feu d’artifice d’eau de mer où les lames de fond, immenses, sculptent la roche si particulière de Belle-île-en-mer – une roche volcanique, extrêmement friable, qui forme des pics aux dents acérées ou d’étranges personnages. « Tenez, ici ce sont mes deux orang-outangs » s’amuse par exemple à dire Philippe Ulliac en pointant du doigt deux rochers qui ressemblent aux grands singes.
La peau de l’île
C’est cette roche que le photographe a réussi à capter avec la précision d’un chirurgien et que nous pouvons observer dans son livre Belle-île-en-mer 47°20’33 NORD – 3°8’57 OUEST, accompagné des textes de son acolyte Catherine Liber. Philippe Ulliac s’est fait fort de prendre de très près les sédiments schisteux et donne à voir d’incroyables couleurs : rose pastel, orange, ocre, safran. Il nous révèle la peau si mystérieuse de l’île sur laquelle une myriade de lumières s’étalent et rendent de vifs tableaux pénétrants, d’étonnantes situations où les embruns se mêlent aux rochers et semblent danser avec le vent. « Ici le temps change toute les dix minutes » explique le photographe, « c’est impossible de prévoir trop longtemps à l’avance le temps qu’il va faire. Il faut se promener et voir ». À soixante-deux ans, Philippe Ulliac arpente toujours la côte sauvage à la recherche de divins paysages fait de nuages, de pluie fraîchement passée et de petites ondées qui ont effleurées les plages et font jaillir toute la splendeur des lieux. Facétieux, comme il le dit un jour de crachin typiquement breton : « souvent nous attendons la pluie ».
Jean-Baptiste Gauvin
Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.
Philippe Ulliac, Belle-île-en-mer
Livre autoédité
39€
Disponible par correspondance sur:
http://www.belle-ile-photos.com/