J’étais un peu un retardataire aux Rencontres d’Arles. Pourtant, même au cours des deux décennies au cours desquelles j’ai été un visiteur assidu et un participant actif occasionnel à cette réunion annuelle, j’ai accumulé de nombreux souvenirs précieux et j’ai assisté à une évolution significative au fil des époques et des orientations.
Pour être franc, les photographies ont souvent semblé être le prétexte plutôt que le but d’Arles. Le mot clé est Rencontres et mes moments les plus mémorables concernent les gens et les événements – les aspects imprévisibles, enrichissants et fugaces d’Arles au cours de cette semaine estivale spéciale qui rassemble des passionnés de photo du monde entier. Mes Rencontres ont tendance à se focaliser non pas tant sur les expositions vues – bien que celles-ci incluent de merveilleuses présentations – mais plutôt sur le facteur humain et sur la ville et ses environs. Pour moi, amoureux de la Provence et fasciné par son histoire qui remonte à l’époque romaine – je suis né à Aix-en-Provence – chaque visite a été une expérience vivante qui puise dans les émotions ataviques.
Je suis très attentif à suivre les traces des photographes de la Mission Héliographique des années 1850, notamment d’Edouard Baldus, et de Charles Nègre, dont le projet Midi de la France incluait de belles images d’Arles des années 1850. Je connaissais l’image de Baldus de la chapelle funéraire de Montmajour, de taille modeste et pourtant un joyau de l’architecture romane, à deux pas d’Arles. Ma première visite, seul par un temps clair, traversant les tombes environnantes creusées dans le dur rocher tout en contemplant cette structure simple et désarmante d’une rigueur extraordinaire, était, je dois le reconnaître, un délice plus exquis que toute photographie ne pouvait en fournir.
Arles elle-même est définie par son histoire architecturale, y compris les traces impressionnantes de la Rome antique, notamment l’amphithéâtre et le théâtre. Quel privilège d’être impliqué dans des événements hébergés sur ces sites sacrés. Je me souviens d’un dîner sur le sable de l’amphithéâtre, d’une représentation au théâtre par Lou Reed de son album Berlin. Quel plaisir de se retrouver sur la même scène, un des nombreux conférenciers invités rendant hommage à un hommage à la mémoire du légendaire rédacteur en chef et collectionneur Roger Thérond.
Le mot Rencontres est significatif, car je pense aux merveilleux déjeuners dans son magnifique jardin ombragé, organisé par la charmante Maryse Cordesse, autour de laquelle se trouvent quelques-uns des plus grands noms de l’histoire de la photographie. J’ai eu la chance de participer à l’organisation de réceptions dans des lieux magiques tels que les jardins privés derrière les Alyscamps. J’ai pris un instantané irrésistible de René Burri faisant sa propre photo de groupe de Lucien Clergue, Peter Lindbergh et Paolo Roversi. J’ai apprécié le soutien et les bénéfices de l’hospitalité généreuse offerte par notre inspirante Maja Hoffmann à notre communauté de photographes pendant de nombreuses années, et j’apprécie par exemple mes souvenirs d’un dîner en Camargue lors duquel j’ai été présenté à William Eggleston. et ai assisté à sa première rencontre avec un homme dont il admirait tant le travail, Henri Cartier-Bresson. Nous ne devons pas non plus négliger les nombreuses rencontres agréables, discrètes et fortuites organisées sur les terrasses de cafés, qui renforcent les amitiés et permettent des échanges vastes et sans agenda.
Ce ne sont là que quelques fragments aléatoires de tout ce qu’Arles a représenté pour moi au fil des ans – et cela sans faire référence à une seule exposition. L’une de celles que j’ai beaucoup appréciées était consacrée à l’art de la pochette d’album; une autre a présenté la collection de photographies surréalistes et modernistes rassemblées par le réalisateur Claude Berri; J’ai été fasciné par les images de l’architecture vernaculaire américaine de Robert Venturi, auteur de Learning from Las Vegas. La liste est longue et englobe tous les aspects de la photographie. Quoi de mieux qu’Arles en été pour partager la passion de ce médium sans cesse fascinant?
Philippe Garner