Jusqu’au 27 juin prochain, Pedro David investit le très bel espace de la Galeria da Gávea à Rio de Janeiro avec son exposition Extração Inframundo (Extraction Inframince), réunissant des travaux réalisés durant les six dernières années sur le territoire où il vit, le Nord de l’état brésilien du Minas Gerais.
Porté par la pensée que l’artiste « est quelqu’un de profondément insatisfait par le Monde tel qu’il est, ce qui le mène à créer ses propres mondes », Pedro David photographie dans 360 Metros Quadrados (360 mètres carrés) au Polaroïd son environnement très proche, comme les objets qui l’entourent au quotidien ou encore des objets qu’il collectionne. S’imposant pour consigne de ne pas dépasser les frontières de son quartier, l’artiste aspire pourtant à travers les images de ce travail à donner à voir un reflet du monde tel qu’il existe au-delà des frontières de son quotidien, presque comme le feraient des images d’un voyage autour du monde.
Dans l’espace principal de la galerie, Pedro David mêle deux travaux qu’il montre pour la première fois réunis dans un seul accrochage. Le premier d’entre eux, Madeira de Lei, dépeint les zones de monoculture d’eucalyptus plantées par les entreprises sidérurgiques pour en produire du charbon. Dans les photographies de David, la trame régulière et monotone des lignes verticales formée par les troncs des eucalyptus est interrompue des formes végétales ondoyantes, des arbres d’autres essences, qui viennent occuper l’espace de manière singulièrement organique. Leur présence, uniquement « due à une loi empêchant la coupe de certaines espèces d’arbres originaires du territoire et menacées d’extinction qui viendraient à pousser dans les champs occupés par la monoculture », explique-t-il, a capté son regard, happé par ces formes résistantes nées dans un environnement pourtant hostile à la diversité.
A ce premier travail, Pedro David mêle des images plus récentes sur les excavations effectuées dans la roche et la terre qu’il a pu rencontrer dans sa région, un territoire où la présence minière est très forte — le quartier dans lequel vit l’artiste est à lui seul percé de trois grandes concessions minières multinationales. Ce sont ces blessures infligées à la terre que David photographie aux alentours de chez lui, excavations parfois réalisées par les habitants eux-mêmes, dans leurs quartiers résidentiels, tant le fait de creuser la terre pour l’exploiter est devenu un geste courant dans la région.
En reflet de ces images, Pedro David montre pour la première fois des sculptures, dont l’artiste assimile la production au geste photographique ; la sculpture est ainsi, pour lui, tout comme l’est la photographie, une manière d’enregistrer, de retranscrire des éléments issus du réel.
Dans Extração Inframundo, Pedro David révèle ainsi des problématiques propres à son territoire de vie dans le Nord de l’état du Minas Gerais, mais qui sont aussi celles qui ravagent le Brésil à grande échelle: l’exploitation excessive de la terre, la déforestation engendrée par l’omniprésence et l’expansion des monocultures qui détruisent et menacent la biodiversité et l’équilibre des territoires… Autant de manières d’entrer en relation avec notre environnement et la nature que la photographie peut nous permettre de repenser et de regarder de manière critique.
Elsa Leydier
Elsa Leydier est photographe et auteure spécialisée en photographie. Elle partage sa vie entre Lyon et Rio de Janeiro.
Pedro David Extração Inframundo
Du 5 mai au 27 Juin 2018
Galeria da Gávea, Rua Marquês de São Vicente 432
Gávea, Rio de Janeiro
Brésil