Les éditions Louis Vuitton publient cette année le regard du photographe français Paul Rousteau sur la ville de Genève. Une curieuse ville, Genève… inhabitée, dépeuplée et recolorée comme un tableau de Bonnard.
Traversée de couleurs vives, parfois criardes, Genève paraît diamétralement déserte, peuplée uniquement de statues aux seins galbés et clochetée de sommets paisibles. « Une ville sûre et propre », raille Paul Rousteau, une ville où l’on pourrait empiler les clichés, où les habitants semblent être taiseux, respectueux, proprets et cultivés.
Paul Rousteau loue pourtant ce cadre de vie idéal. Il en est tombé amoureux à ses dix-huit ans. Étudiant, il parcourait la ville et depuis lors, il s’est épris de sa silhouette rassurante, de ses coïts sages, choisissant à l’instinct ses parcours amoureux : « à chaque carrefour, je devais me concentrer sur les directions proposées et suivre celle qui m’inspirait. Cette inspiration m’a mené de rue en rue, d’image en image ».
Pour autant, s’il reprend les cartes postales de la ville, ses lieux de passage comme ses lieux de mémoire, il veut en agiter son image. Il délaisse la photographie « lisse et commerciale » et teinte son œuvre de peinture. L’image imprimée est salie, surajoutée de pigments. Le résultat évoque le mouvement des Nabi, les nues surcolorées de Bonnard et les intérieurs fuyants et appuyés de Vuillard.
Les photographies peintes de Paul Rousteau, légèrement vernies de kitsch, traduisent une vision apaisée de Genève. Toutefois le procédé chromatique peine à séduire. Elle vient quelquefois sublimer l’image, mais trop souvent la peinture vient masquer la banalité des images. Genève paraît frusquée, et si l’on comprend l’amour du calme et l’écueil philosophique de ses promenades, la peinture cahote l’image. Doubles écueils, entre l’amour d’une ville et sa vision commune, entre la restitution d’une tranquillité et l’agitation de la peinture. Inexplicable Genève.
Arthur Dayras