L’histoire de la ville de Reims s’incarne dans plusieurs monuments prodigieux, comme dans des détails d’architecture ; la façade de la cathédrale Notre-Dame est un véritable musée de sculptures à ciel ouvert et dès que l’on s’en approche, on mesure la diversité des inspirations de ce grand œuvre anonyme. En revanche, ce que l’on ne sait pas toujours, c’est combien, au début du XXe siècle, la ville et ses trésors ont été meurtris par la Grande Guerre ; à tel point que Reims a pris l’appellation de « ville martyre ». Il s’ensuivra une longue et complexe reconstruction, une restauration qui, à dessein, n’a pas totalement effacé les traces du conflit.
Aujourd’hui, la reconnaissance du patrimoine rémois est célébrée par une institution qui le place au rang des plus précieuses richesses de l’humanité. Pour rappeler cette célébration à l’occasion des Journées du Patrimoine, la ville a choisi la photographie afin de mettre en œuvre une mission aux objectifs variés : revisiter l’architecture, les musées, leurs intérieurs et leurs objets, ainsi que ceux des édifices religieux ; relire traces et signes d’une histoire ancienne et plus moderne, sans oublier les diverses personnes et personnalités qui font (re)vivre le patrimoine au quotidien. À Reims, celui-ci ne rime pas seulement avec des faits historiques ou religieux et ne se limite pas au bâti monumental : il s’est également ouvert à l’industrie, celle des vins de champagne étroitement associés à l’économie de la cité.
Pour répondre au désir de renouveler le regard sur la ville, de solliciter l’inattendu et l’inédit, ce sont des photographes pour lesquels Reims allait constituer une vraie découverte autant qu’une aventure visuelle et intellectuelle qui ont été impliqués ; ils ont été invités à livrer une approche personnelle, tout en respectant les contours d’un territoire géographique et historique – sans toutefois imposer à leurs travaux la contrainte de l’inventaire. Issus d’horizons différents, leur parcours, culture et sensibilité ont permis des visions contrastées et complémentaires. Au nombre de cinq, dont la démarche est porteuse de formes et de réflexions contemporaines, ils ont chacun de leur côté sillonné la ville et rencontré les acteurs qui opèrent sur le patrimoine ; ils ont exploré le paysage urbain et les édifices les plus en vue, comme certaines de leurs faces cachées, voire enfouies. A Reims, les sous-sols réservent d’incomparables richesses.
Jordi Bernadó a exploré avec attention les décors les plus variés de Reims, jusque dans les profondeurs des crayères : il s’est arrêté sur des détails de la réalité que lui seul sait voir et mettre en images avec esprit. Arno Gisinger a sondé l’histoire de la ville à de multiples endroits ; il s’est employé à réactiver la mémoire de plusieurs épisodes qui participent de la fabrique du patrimoine. Claudio Sabatino a mis en perspective monuments et urbanisation moderne et avec l’œil d’un architecte, a élaboré un parcours qui l’a mené de la cathédrale Notre-Dame au quartier du Chemin Vert. Paolo Verzone a confectionné des portraits in situ de figures dont l’existence et l’activité sont à divers titres mêlés au destin du patrimoine. Quant à Sophie Zénon, elle a porté son attention sur les réserves du Palais du Tau et les nombreuses statues qui les habitent. Elles ont, en un magique instant, été ranimées par son écriture photographique.
Chacune de ces séquences se présente ainsi comme un déchiffrement particulier de la ville, qui renvoie de manière plus ou moins explicite à son histoire, mais ouvre également sur une interrogation de la notion même de patrimoine, entre autres sur l’idée de « survivances » : titre donné par François Barré au texte qu’il a livré pour le catalogue de l’exposition.
Gabriel Bauret, directeur artistique du projet et commissaire de l’exposition
Exposition :
Patrimoines Revisités
Du 17 septembre au 31 décembre 2016
Cellier de Reims
Livre:
Reims, le regard de cinq photographes
20 euros
ISBN: 978-2-919507-57-3
