Projection en fondu enchaîné de 33 photographies couleurs. (sous-titres extraits du film d’Alain Resnais L’année dernière à Marienbad)
La nuit venue, les visages des mannequins prostrés dans les vitrines dégagent une inquiétante étrangeté. Ils apparaissent comme animés d’une vie secrète, tels des clones somnambuliques possédant leur propre langage.
Dans La nuit de Michelangelo Antonioni, une jeune femme lit Les somnambules. Elle laissera écouter à son auteur un enregistrement sonore : « les dialogues d’un film ». La même année, en1961, sortait sur les écrans le film d’Alain Resnais L’année dernière à Marienbad. J’ai écouté les dialogues (écrits par Alain Robbe-Grillet) et j’ai retenu les paroles prononcées par Delphine Seyrig.
Dans ce film énigmatique et envoûtant, les personnages se comportent tels des automates, des fantômes, des somnambules mondains perdus dans un labyrinthe, comme prisonniers du temps et de leurs solitudes.
Derrière leurs parois de verre, les visages de ces statues contemporaines me sont apparus soudainement tels ces personnages de cinéma. J’ai imaginé ces images comme les photogrammes d’un film fantasmé, les sous-titrant par cette parole empruntée et détournée venue d’ailleurs, cette voix rêvée de Delphine Seyrig…
Il reste que face à ces images, à mi-chemin entre réel et fiction, le ressenti de ce monologue demeure incertain et équivoque. De quel côté de la vitre viennent ces mots…? A qui s’adressent-t-ils en réalité…?
Imaginons un instant une nuit, une femme arrêtée devant une vitrine. Par effet de miroir, elle s’identifie à ce qu’elle regarde (et à ces visages figés qui la regardent). Elle dit à l’homme qui l’accompagne ces mots… Déjà un film commence… Nous sommes dans le film… Les somnambules.
Pascal de Lavergne