L’archive, le vernaculaire, la sérialité, un réel tenu à distance (photojournalisme quasi-absent) et les détournements de l’essence même du medium photographique sont des tendances fortes observées sur Paris Photo. Tour d’horizon de ces artistes qui s’interrogent sur la porosité entre le fond et la forme, ouvrent le champ des expérimentations, reviennent à la matérialité face aux avancées du numérique et résistent face à l’obsolescence programmée à l’ère du virtuel.
Daido Moriyama, Farewell Photography (galerie Jean Kenta Gauthier et Polka)
Oeuvre majeure et à l’impact radical tant au Japon qu’en Occident, le set complet et définitif de Farewell Photography est un événement de Paris Photo (secteur Prismes). Conçu comme une oeuvre d’art totale et protéiforme, ce shooting frénétique et brut des rues de Tokyo marquera toute une avant-garde dans la mouvance du mouvement Provoke, avant que le photographe ne décide de brûler une partie des négatifs.
Lukas Hoffmann (galerie de Roussan Paris)
S’inspirant de l’esthétique du paysage romantique allemand théorisé par Carl Gustav Carus,Lukas Hoffmann au cours de ses longues pérégrinations cherche à restaurer un ordonnancement premier sous une apparente neutralité. Utilisant l’argentique, il réalise lui-même ses tirages pour en contrôler le processus. Entre rigueur formelle et intuition de l’instant, macrocosme et microcosme la nature reprend ses droits !
Rachel de Joode, ‘galerie Christophe Gaillard, Paris)
Entre patchwork digital et collage organique, Rachel de Joode incarne cette nouvelle génération d’artistes à la recherche d’une matérialité inventive et iconoclaste où les frictions et la porosité sont au coeur du processus. Un langage visuel où l’aspect performatif et la mise en scène participent d’un trompe l’oeil entre photographies et objets, corps de l’artiste et matériaux de prédilection.
Panos Tsagaris (Kalfayan gallery, Grèce)
Depuis le début de la crise financière grecque l’artiste a collecté les unes de journaux consacrées aux déboires de son pays pour les recouvrir de feuille d’or, laissant uniquement apparaître l’image choc. Opérant un phénomène de réversion à partir de la symbolique de l’or, inaltérable et inattaquable, l’artiste regarde aussi du côté de la peinture et de la tradition des icônes byzantines et revisite en le restaurant le passé glorieux de ses ancêtres.
Adrian Sauer « Unboxing Photoshop« (Klemm’s, Berlin)
Jouant sur la désuétude du coffret du logiciel de retouche d’images Photoshop (désormais introuvable) l’artiste confronte reproductibilité et principe d’unicité. Face à l’évolution du statut de la photographie contemporaine, il revient aux éléments fondateurs de la morphologie des images digitales créant des situations anachroniques entre textes techniques et photographie concrète. La sémantique fait partie intégrante de sa réflexion.
Delphine Balley (galerie Suzanne Tarasiève, Paris)
Partant de sa mythologie familiale (Album de famille) ou collective, tendance fait divers (le Goût du crime), le réel et la fiction s’entrelacent chez cette jeune photographe qui investit des lieux désertés pour y introduire les décors des histoires qu’elle s’invente. Une mémoire vernaculaire qu’elle truffe d’indices à déchiffrer. Le cinéma, la culture populaire ou le conte sont le prétexte d’une théâtralisation obscure et insolite jusqu’aux tréfonds de l’âme humaine et ses multiples ressorts.
Matthew Brandt (M+B galery, Los Angeles et Yossi Milo gallery, New York)
Matthew Brandt privilégiant des processus du début de la photographie comme le tirage sur papier salé ou la gomme bichromatée et une expérimentation de la temporalité, il soumet la photographie à l’épreuve de l’eau ce qui affecte l’image de nouvelles couleurs auxquelles il ajoute des éléments physiques de ce qu’il photographie, ici de la dentelle. Comme si l’altération de la surface rejoignait le processus de l’érosion de la nature, dans la tradition des grands photographes de paysages.
Xu Yong (Julian Sander, Bonn)
Les négatifs 35 millimètres, convertibles en positifs avec votre smartphone, de l’un des témoins du printemps 1989 à Tianamnen sont une forme de résistance après la vague d’amnésie du gouvernement chinois à l’encontre de ces événements tragiques. Les publier sous cette forme a plus d’impact quand la palette révèle les émotions des visages et les signes de protestation de cette foule. Le livre qui accompagne cette décision dans son design sobre et efficace devient une trace tangible et symbolique du combat.
FOIRE
Paris Photo 2015
Du 12 au 15 Novembre 2015
Grand Palais
Paris
France
www.parisphoto.fr