Pour sa 25e édition, Paris Photo s’accompagne à nouveau de son lot de foires satellites dédiées à l’édition indépendante, avec quelques nouveaux arrivants cette année. Tour d’horizon.
Polycopies
Cette année marquait un tournant pour Polycopies. Créé il y a neuf ans, le festival consacré à l’édition indépendante de livres photographiques a pris de l’envergure, avec plus de quatre-vingt exposants, contre trente à sa création. Autre nouveauté, la programmation d’un riche panel d’événements : lectures de portfolio gratuites, conférences autour de la photographie documentaire et de la question des archives, ou encore une Scène ouverte invitant photographes et éditeurs à présenter au public un livre de leur choix. Ces moments d’échanges privilégiés répondaient à une demande des exposants, désireux d’aller à la rencontre du public.
Toujours très pointu, Polycopies continue d’être un lieu de choix pour observer la créativité des éditeurs indépendants. Pour sa première participation au festival, la galerie, librairie et maison d’édition écho 119 mettait en avant plusieurs ouvrages de belle facture, ceux par exemple de Benrido, imprimés en phototypie, ou encore leur propre publication, Je t’aime de Léo Berne. Tommaso Parrillo, seul aux manettes de Witty Books, présentait quant à lui une série de productions singulières, comme le poétique The Missing Eye de Mattia Parodi et Piergiorgio Sorgetti ou How to Raise a Hand, ouvrage aussi cocasse que touchant d’Angelo Vignali.
Quelques collectionneurs de livres, croisés sur le pont du Concorde Atlantique, faisaient néanmoins tous la même remarque : une certaine saturation se fait sentir, qui empêche d’apprécier pleinement les ouvrages… Interrogée à ce sujet, Sara Giuliattini, co-fondatrice de Polycopies, affirme pour les prochaines éditions vouloir éviter de dépasser le nombre d’exposants actuel afin de proposer une sélection exigeante.
Offprint
Yannick Bouillis, dont la foire était à l’origine consacrée à la photographie avant de s’ouvrir à d’autres pratiques éditoriales, affirme quant à lui vouloir continuer de s’étendre pour « aller chercher des éditeurs très niches, dans d’autres catégories comme l’architecture et le design ou même les sciences humaines. »
Offprint se tenait cette année au Pavillon de l’Arsenal et réunissait 90 éditeurs. Parmi ceux spécialisés en photographie, notons les belles propositions de Art Paper Editions ou encore le travail frappant de la maison 550BC qui traite de sujets liés à la culture contemporaine des conflits et du crime organisé, offrant un aperçu de mondes d’ordinaire inaccessibles à travers une narration à la première personne. Démarche presque opposée mais tout aussi étonnante, les photographies publiées dans l’ouvrage Autodestructivity de Gregory Chatonsky (Rrose Publishing) ont été générées à partir d’un texte soumis à une intelligence artificielle.
Évoquant la crise du papier, Yannick Bouillis applaudit le courage des éditeurs, notamment ceux qui n’hésitent pas à diminuer l’envergure de leurs livres, privilégiant la qualité du graphisme ou de l’impression par exemple. Grâce au partenariat avec Luma mis en place en 2015, sa foire est une des rares à fournir des stands à des prix imbattables, offrant la possibilité à de nombreuses maisons qui n’auraient pu se le permettre d’être présents à ce rendez-vous essentiel de l’édition indépendante.
Accident(s) – Atypical Book Fair
De la même manière qu’Offprint, Accident(s) mettait en avant l’édition indépendante sous toutes ses formes, avec un accent sur les productions alternatives. Portée par Mathilde de Galbert (Librairie sans titre), Pauline Lespiau (Librairie Disparate), Oscar Ginter (Quintal Éditions) et Stéphane Gallois (Éditions Rien Ne Va Plus), la foire s’est lancée en décembre 2021 à la Bellevilloise.
Invitée cette année à investir la galerie de la Cité Internationale des Arts pendant Paris Photo, elle s’est déployée sur quatre étages avec plus de soixante dix éditeurs, parmi eux September Books, Kodoji Press, Rorhof, Patrick Frey ou encore l’artiste Sergej Vutuc.
On retrouvait par ailleurs certaines maisons déjà aperçues à Offprint et Paris Photo, comme par exemple RVB Books qui confrontait ainsi son travail à plusieurs publics. Interrogée sur la fréquentation d’Accident(s), Mathilde de Galbert se réjouit que la foire attire un public jeune : « on a beaucoup d’étudiants, ça donne de l’espoir. »
Paris Vintage Photobook
Initiée par Clément Kauteur de la librairie Le Plac’art pour accorder plus de visibilité aux publications vintages, souvent absentes des foires dédiées aux livres de photographie, Paris Vintage Photobook présentait quelques perles rares de l’édition photographique.
On y retrouvait cette année les grands classiques, un certain nombres de livres japonais, allemands, hollandais et américains. Alain Sinibaldi exposait notamment une série d’albums de Cecil Beaton aux couvertures élégantes et colorées. La librairie du Plac’art mettait en avant la collaboration entre photographes et graphistes avec des publications des années 1960 à aujourd’hui. Parmi eux, The Quickening, un ouvrage sensible sur le post-partum de la photographe Ying Ang réalisé avec le graphiste Teun van der Heijden ou encore Snowflakes Dog Man pour lequel Hajime Kimura a suivi le chien de son père défunt afin de reconstituer les trajets de son quotidien.
Dans les vitrines de Paris Vintage Photobook, certains exemplaires frôlaient les 30 000 euros : le livre photographique devient pièce de musée…
The Floto Shop
Dernier arrivant sur la scène des foires d’édition photographique indépendante, The Floto Shop s’étend quant à lui au-delà des dates de Paris Photo, proposant à la vente une sélection de livres photographiques, zines et tirages jusqu’au 20 novembre. Ce pop-up, organisé par Floréal Belleville dans sa partie galerie, va de la micro-édition aux maisons plus installées. On retrouve notamment les zines de Thibault Tourmente, les ouvrages des Éditions Macula et de RVB books, ou encore les créations des prometteuses Cé éditions.
Le Off de Paris Photo aura confirmé une chose : les foires dédiées à l’édition indépendante ont le vent en poupe. Bien que certains s’étonnent d’un tel foisonnement, ces événements sont salvateurs pour beaucoup de maisons, comme le souligne Yannick Bouillis lorsqu’il remarque que « certains éditeurs réalisent la moitié de leurs ventes annuelles pendant la foire. » Chacun des organisateurs interrogés a d’ailleurs souligné l’importance de telles manifestations, qui offrent une structure et une visibilité sans pareil à des participants ayant bien souvent des problèmes de distribution. Proposant une sélection toujours plus pointue, elles laissent en tout cas entrevoir un bel avenir pour le livre photographique.
Zoé Isle de Beauchaine